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LE SYSTÈME IMMUNITAIRE

 


Le système immunitaire

back to basic - par Laure Schalchli dans mensuel n°301 daté septembre 1997 à la page 90 (3001 mots)


Des millions d'anticorps et un grand principe : pour reconnaître l'étranger, encore faut-il se connaître soi-même

La masse du système immunitaire est comparable à celle du foie ou du cerveau. Mais il est éparpillé dans tout l'organisme. En font partie les globules blancs circulant dans le sang, dans la lymphe et imprégnant les tissus. Les principales cellules de l'immunité sont les lymphocytes, qui sont les globules blancs majoritaires dans le sang. Un homme adulte en contiendrait quelque deux mille milliards. Mais il existe beaucoup d'autres cellules impliquées dans l'immunité : globules blancs polynucléaires, monocytes ou macrophages, mastocytes, cellules dendritiques.

Le système immunitaire c'est aussi une série d'organes et de tissus dits lymphoïdes : les ganglions, la moelle des os, la rate, les amygdales, les végétations, l'appendice et des tissus associés au tube digestif et aux poumons en font partie. S'y ajoute le thymus, un organe situé dans le thorax derrière le sternum, qui grossit jusqu'à la puberté puis s'atrophie à l'âge adulte.

Toutes les cellules impliquées dans l'immunité prennent naissance dans la moelle des os. Certains lymphocytes se différencient dans le thymus. Puis ils migrent dans le sang et la lymphe et séjournent temporairement dans la rate, les ganglions, en se concentrant à proximité de la peau et des muqueuses, partout où le risque de pénétration d'intrus est grand. En permanence, le système immunitaire assure l'intégrité de l'organisme face aux substances étrangères, aux bactéries, aux virus, aux parasites.

Quand a-t-il été découvert ?
Le 14 mai 1796, un médecin de Berkeley, Edward Jenner, fait une expérience capitale. Il prend au mot une croyance populaire, selon laquelle une maladie de la vache cowpox , maintenant appelée vaccine peut rendre l'homme réfractaire à la variole. Il introduit du pus d'une femme atteinte de la maladie bovine dans le bras du jeune James Phipps, un enfant de 8 ans en parfaite santé. Six semaines plus tard, il injecte au garçon du pus d'un malade atteint de variole. James Phipps reste en bonne santé. La vaccination est née.

Un peu plus de quatre-vingts ans plus tard, Louis Pasteur fournit un début d'explication au succès de Jenner. En injectant à des poules de vieilles souches atténuées de bacilles du choléra, Pasteur et Emile Roux les protègent d'une infection ultérieure par le même microbe, mais pas par d'autres germes. Pasteur répète l'expérience, entre autres, avec des bacilles du charbon inactivés par la chaleur. On trouve ici les propriétés essentielles des réactions immunitaires : la vaccination ne protège que contre l'agent vaccinant spécificité, la protection est complète efficacité, le vaccin protège pendant des années, voire toute la vie mémoire.

Peu après, le zoologiste et microbiologiste russe Ilya Mechnikov propose sa théorie « cellulaire » de l'immunité, qui fait intervenir des cellules spécialisées. Pour la première fois, il suggère que l'inflammation n'est pas une composante nocive de la maladie, mais une réaction de l'organisme qui tend à protéger le malade. C'est au tournant du siècle que la réaction immunitaire est rattachée à l'apparition dans le sang de protéines spécifiques, les anticorps. En 1890, l'Allemand Emil von Berhing et le Japonais Shibasaburo Kitasato isolent les premiers d'entre eux, des substances solubles capables de neutraliser les toxines diphtérique et tétanique.

Qu'est-ce qu'un anticorps ? Comment est-il fabriqué ?
Le nom d'abord, anticorps, vient de ce que cette substance reconnaît le corps étranger et s'y fixe. On ne parle pas d'anticorps sans parler de son partenaire obligé, l'antigène, nommé ainsi parce que c'est justement... le « générateur » d'anticorps. L'antigène est le composé qui, quand on l'introduit dans l'organisme, provoque la formation d'anticorps spécifiques dirigés contre lui. La définition se mord la queue.

Les anticorps sont des protéines solubles présentes dans le sang. On les appelle également immunoglobulines. Elles sont fabriquées par un type particulier de globules blancs, les lymphocytes B. Le sang humain en contient une quantité énorme : un litre recèle environ soixante-dix grammes de protéines, dont dix à vingt grammes d'immunoglobulines.

Un casse-tête a dès le départ préoccupé les immunologistes. Un anticorps reconnaît de façon extrêmement fine et spécifique un antigène. Or il existe, dans la nature, un nombre indéfini d'antigènes. Le système immunitaire peut donc produire des anticorps contre n'importe quoi, y compris des substances créées par l'industrie chimique du XXe siècle.

Pour l'expliquer, on a d'abord pensé que les anticorps s'adaptent à l'antigène injecté, qu'ils « apprennent » sa forme en s'y modelant. Ce modèle, dit instructionniste, a été défendu jusqu'à la fin des années 1950. Il a été détrôné par celui de la « sélection » des anticorps : une diversité énorme d'anticorps existe bel et bien dans l'organisme. L'arrivée d'un antigène sélectionne ceux qui le reconnaissent et s'y fixent. Un processus somme toute très darwinien. Le modèle de la sélection supposait cependant de résoudre un problème de taille : la fabrication de millions d'anticorps différents, bien plus que le nombre total de gènes disponibles dans les chromosomes.

Deux phénomènes génétiques exceptionnels, qui ont lieu dans les lymphocytes, assurent une telle diversité. Ils ont été découverts pendant les années 1970. Le premier est un « remaniement » du génome. Chaque anticorps est codé par un gène unique, construit à partir de plusieurs pièces détachées : au moins trois tronçons génétiques différents, choisis parmi plus d'une centaine, sont coupés et placés bout à bout. De plus, l'assemblage des tronçons est assez imprécis. Ce jeu de combinaisons permet de produire une diversité considérable d'anticorps, libérés par autant de lymphocytes différents. Des chiffres ont été avancés, très divers eux aussi : un million, dix milliards...

Le second processus laisse encore les généticiens perplexes. Certaines portions des gènes codant les anticorps mutent à une vitesse impensable dans le reste du génome. Le taux de mutation peut y être jusqu'à dix millions de fois plus élevé. Ce mécanisme, qui entraîne une augmentation extrême de la diversité, touche les anticorps déjà sélectionnés par l'antigène. Il a lieu dans les lymphocytes activés, en réponse à l'antigène, et se solde par la production et la sélection d'anticorps encore plus « performants ».

Notons enfin que contrairement à une simplification abusive, chaque antigène est reconnu par de nombreux anticorps différents. Et vice versa : un même anticorps reconnaît plusieurs antigènes. Les immunologistes parlent de dégénerescence de la reconnaissance.

Pourquoi rejette-t-on les greffes ?
Parce que l'organe greffé contient des composants, plus exactement des protéines, qui n'existent pas dans le corps du receveur. Le système immunitaire détecte ces protéines étrangères et détruit les tissus qui les portent.

Ces protéines spéciales sont appelées « molécules d'histocompatibilité » du grec histos , tissu. Elles ont des propriétés étonnantes. Normalement, à l'intérieur d'une espèce, donc chez l'homme, les protéines varient peu d'une personne à l'autre, sauf anomalie génétique. Dans le cas des molécules d'histocompatibilité, pour une seule protéine - c'est-à-dire pour un seul gène - on peut trouver plus de cent versions différentes dans la population. Comme ces protéines sont de surcroît assez nombreuses quelques dizaines, deux individus pris au hasard ont très peu de chances de porter les mêmes. Les protéines d'histocompatibilité sont ainsi de très bons marqueurs du « soi » biologique. Dernière particularité, toutes les cellules de l'organisme exhibent ces protéines à leur surface. A quelques exceptions près : les spermatozoïdes en sont dépourvus ; les globules rouges aussi, ce qui facilite les transfusions...

Ces protéines sont codées par un groupe de gènes, le « complexe majeur d'histocompatibilité » CMH. Qui est effectivement fort complexe et très étudié par les immunologistes et les généticiens. Il contient au moins une cinquantaine de gènes différents, mais seulement certains dits de classe I et II interviennent dans la reconnaissance du soi. Chez l'homme, on appelle souvent ces protéines HLA human-leucocyte-associated antigens , parce qu'elles ont été découvertes par hasard sur les globules blancs les leucocytes. On les distingue par des lettres : HLA A, B, C, E, F, G, DP, DQ, DR... Deux vrais jumeaux ont exactement les mêmes HLA. Deux frères et soeurs ont moins d'une chance sur seize d'hériter d'un lot identique. Connaissant la répartition des différentes formes de HLA dans la population, on estime que cette probabilité tombe à un sur 40 000 pour deux personnes prises au hasard.

D'autres protéines jouent un rôle mineur dans le rejet des greffes. Elles sont très variées et la liste est loin d'être close. L'une d'entre elles, « HY », est présente uniquement chez les hommes, car elle est codée par un gène situé sur le chromosome Y. Résultat : une femme rejette le rein ou le coeur d'un homme, même s'ils ont les mêmes HLA.

Comment le système immunitaire détecte-t-il les intrus ?
Dans les années 1970 a été faite une découverte étonnante : le système immunitaire n'est pas capable d'identifier les composés étrangers tels quels. Il ne reconnaît le « non-soi » que s'il est associé aux marqueurs du « soi » : les antigènes ne sont vus que s'ils sont portés, présentés par les protéines d'histocompatibilité. Tout est affaire de coopération entre cellules.

Très schématiquement, la reconnaissance de la plupart des bactéries qui pénètrent dans l'organisme se déroule de la façon suivante. En permanence, des sentinelles abondantes dans la peau, les muqueuses et les ganglions, les cellules dendritiques et les macrophages, captent les intrus et les ingèrent. Les antigènes bactériens sont digérés, fragmentés, puis exhibés à la surface de ces cellules. Ils n'y sont jamais exposés seuls, mais nichés au sein des protéines d'histocompatibilité. C'est sous cette forme que le système immunitaire les reconnaît. La reconnaissance est assurée par les lymphocytes : tous portent à leur surface des molécules semblables aux anticorps, mais ancrées sur la cellule. Ceux qui fixent spécifiquement l'antigène intrus sont sélectionnés et se multiplient. Entrent d'abord en jeu les lymphocytes T, baptisés ainsi parce que leur maturation se fait dans le thymus, puis les lymphocytes B, qui produisent les anticorps.

Autre cas possible : l'organisme est envahi par des virus. C'est la cellule infectée qui présente directement aux lymphocytes des fragments du virus, lovés dans les protéines du soi.

Lorsqu'un antigène a été reconnu une première fois, le système immunitaire s'en souvient. La mémoire repose sur des cellules à durée de vie extrêmement longue : elles - ou leurs descendantes - restent dans la rate, dans les ganglions, pendant des mois ou des années, prêtes à se réveiller si l'antigène réapparaît. En revanche, la très grande majorité des lymphocytes ne vivent que quelques jours : après avoir été activés et s'être multipliés à très grande allure pendant la réponse immunitaire, ils meurent en masse, se suicidant en réponse à des signaux externes. On ignore complètement ce qui permet à certains d'échapper à l'hécatombe.

Comment les détruit-il ?
L'organismerépond généralement à l'invasion de bactéries ou de virus par de la fièvre, puis par une réaction inflammatoire : le lieu de l'infection devient rouge, douloureux, gonflé. Les tissus infectés libèrent des substances chimiques qui dilatent les vaisseaux, provoquent un afflux de sang, attirent les globules blancs. Ces derniers affluent et détruisent les bactéries ou les cellules infectées. Si l'on entre dans les détails de la réponse immunitaire, l'affaire se complique très vite. Entrent en jeu une panoplie de cellules qui communiquent soit par contact physique, soit en libérant dans leur voisinage des signaux chimiques.

Les anticorps neutralisent les bactéries ou leurs toxines en les agglutinant et en activant contre elles des enzymes sanguines, regroupées sous le nom de système du complément. Mais ce n'est que l'une des armes du système immunitaire. L'entrée de bactéries provoque un recrutement en cascade. Les lymphocytes T « auxiliaires » ou CD4 activent les lymphocytes B, qui se multiplient et sécrètent les anticorps. Un seul lymphocyte peut en produire plus de dix millions par heure. D'autres cellules, les polynucléaires et les macrophages, ingèrent et tuent les microbes. La lutte contre les virus ou contre certaines bactéries se développant à l'intérieur des cellules fait intervenir d'autres acteurs, les lymphocytes T tueurs ou CD8. Ces derniers reconnaissent directement les cellules infectées et les tuent en y déclenchant un programme interne de suicide.

D'où viennent les maladies auto-immunes ?
La question est loin d'être vraiment résolue. Dans ces maladies, le système immunitaire s'attaque aux propres éléments de l'organisme : les cellules du pancréas dans certains diabètes, la gaine des neurones dans la sclérose en plaques, les globules rouges dans certaines anémies... L'élément déclenchant reste assez mystérieux. Un point est sûr : nous produisons tous des anticorps et des lymphocytes dirigés vers les constituants du corps humain. Certains pensent même que c'est indispensable à l'équilibre du système immunitaire. Mais en temps normal, ces lymphocytes sont inactifs.

Très tôt, durant la vie embryonnaire, le système immunitaire apprend à devenir tolérant vis-à-vis de ses propres constituants. Dans le thymus de l'embryon, beaucoup de lymphocytes dirigés contre les constituants du corps sont éliminés. D'autres sont simplement « muselés », empêchés d'agir on parle d'anergie des lymphocytes. L'hypothèse actuelle est que pour entrer en jeu un lymphocyte a besoin de recevoir au moins deux signaux. D'une part, il lui faut reconnaître l'antigène, présenté par une cellule adéquate. D'autre part, il doit recevoir en même temps un signal délivré par la cellule présentatrice, par contact direct ou sous forme d'une substance soluble. Dans l'embryon, ce second signal ferait défaut, ce qui entraînerait la mort ou l'anergie de tous les lymphocytes reconnaissant les constituants du corps.

Cette « éducation » du système immunitaire se poursuit à l'âge adulte. L'organisme fabrique en permanence des lymphocytes dirigés contre ses propres constituants. C'est la présence ou l'absence du second signal - qui reflète peut-être le danger associé à l'antigène - qui aiguillerait le système vers la tolérance ou vers la réaction immunitaire. Certaines maladies auto-immunes ont été associées à des HLA particuliers. La présentation de l'antigène par telle ou telle molécule d'histocompatibilité pourrait favoriser l'activation des lymphocytes dirigés contre les constituants du corps. Une autre piste est qu'une infection virale peut modifier la présentation des antigènes du soi et induire certains lymphocytes à y réagir.

Pourquoi un corps étranger comme le foetus est-il toléré par la mère ?
C'est ce qu'on appelle le « privilège immunitaire », qui profite d'ailleurs aussi aux cellules cancéreuses. Il n'existe pas d'explication unique à ce phénomène.

Pour le foetus, le scénario suivant est avancé. Lorsque l'oeuf se niche dans l'utérus, ses enveloppes ne portent pas les protéines d'histocompatibilité HLA classiques ; il échappe ainsi au rejet de greffe. Cependant, les cellules sans HLA sont normalement détruites par une catégorie spéciale de cellules immunitaires, les cellules tueuses naturelles, qui reconnaissent l'absence du soi. Et l'utérus en regorge. L'embryon échapperait à la destruction car ses enveloppes portent un autre type de protéines HLA, appelées HLA-G, qui agissent comme des immunosuppresseurs.

Quant aux cellules cancéreuses, elles produisent des antigènes anormaux qui devraient également entraîner leur destruction par le système immunitaire. Peut-être y échappent-elles par le mécanisme décrit ci-dessus. Leur furtivité pourrait aussi être liée au fait que ce ne sont pas de bonnes « présentatrices » d'antigènes : elles ne délivreraient pas le second signal adéquat. Autre hypothèse : les cellules cancéreuses libèrent des signaux captés par les cellules immunitaires, les poussant à un suicide anticipé ou rendant leur réponse inefficace. Ces hypothèses ne sont pas exclusives : l'homme évolue avec ses tumeurs depuis des millions d'années, aux cours desquelles a dû s'instaurer un dialogue complexe entre ces dernières et le système immunitaire.

D'où viennent les allergies ?
Ce sont des réactions immunitaires exacerbées - et surtout mal aiguillées. Leur nom fait référence à cette réponse particulière du grec allos , autre, et ergon , travail. La rougeur, l'oedème, les démangeaisons sont dus à la libération dans la peau, dans les muqueuses du nez, dans les bronches, de grandes quantités de substances chimiques responsables de l'inflammation, en particulier de l'histamine. Ces substances font partie intégrante d'une réponse immunitaire normale, mais la machine s'est emballée.

Même si seulement 10 à 20 % des personnes s'en plaignent, tout le monde est plus ou moins allergique. C'est une question d'équilibre dans la réponse immunitaire. Un antigène peut, une fois qu'il a été reconnu par les lymphocytes T auxiliaires, donner lieu à deux réponses différentes. Schématiquement, la première voie recrute les lymphocytes tueurs et permet le rejet des greffes ou la lutte antivirale. La seconde, mise en jeu dans la lutte contre les parasites et beaucoup de bactéries, favorise la formation d'anticorps. Ces voies ont été baptisées TH1 et TH2 pour T helper 1 et 2, parce qu'elles sont mises en route par deux types de lymphocytes auxiliaires, qui émettent des signaux différents. Dans l'allergie, la balance penche vers TH2, et en particulier vers la production d'un type d'anticorps appelé IgE pour immuno- globuline E. Ces anticorps stimulent la libération explosive de l'histamine et d'autres signaux par des cellules spécialisées, les mastocytes.

Certains antigènes - comme ceux des pollens des graminées, qui donnent le rhume des foins - sont plus propices à la production d'IgE. Mais l'allergie est aussi une question de prédisposition génétique : certaines personnes sont plus disposées à répondre par l'une ou l'autre des deux voies immunitaires.

Les éponges, les oiseaux, les végétaux ont-ils un système immunitaire ?
Tout dépend de ce qu'on appelle immunité. Les éponges ou les colonies de coraux sont capables de rejeter un élément étranger. Il s'agit d'un système de reconnaissance du non-soi, mais qui n'a rien à voir avec l'immunité assurée par les lymphocytes. De même, les plantes, les insectes peuvent réagir à un agresseur en relarguant des substances toxiques antibiotiques, protéines. Mais il n'y a pas de reconnaissance précise de l'antigène.

Ce type d'immunité non spécifique, sans mémoire, a bizarrement été qualifiée de « naturelle » ou d'« innée ». Elle correspond, chez l'homme, à l'action des cellules tueuses naturelles, des macrophages ou du complément.

Des molécules, dont la structure est proche de celle des anticorps, ont été retrouvées chez les vers nématodes ou les insectes. Mais cela n'implique pas une parenté de fonction. L'immunité spécifique ou « adaptative » apparaît chez les vertébrés. Presque tous ont un système immunitaire avec des anticorps. A une exception près : on n'en a pas retrouvé chez les vertébrés les plus primitifs, les poissons sans mâchoires ou agnathes, comme la lamproie. Les poissons, les batraciens, les reptiles, les oiseaux ont un thymus. La coopération entre lymphocytes, qui permet la maturation de la réponse immunitaire, atteint son efficacité maximale chez les mammifères.

Par Laure Schalchli

 

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TUBERCULOSE

 

Paris, 27 janvier 2016
Tuberculose : découverte d'une étape critique de l'évolution du bacille vers la pathogénicité

C'est la disparition d'un glycolipide de l'enveloppe bactérienne, au cours de l'évolution, qui aurait considérablement augmenté la virulence des bacilles de la tuberculose chez l'Homme. Des chercheurs du CNRS, de l'Institut Pasteur et de l'université Toulouse III – Paul Sabatier1 ont montré que cette disparition a entrainé une modification des propriétés de surface de Mycobacterium tuberculosis, favorisant son agrégation en « corde », et augmentant sa pathogénicité. Ces résultats, qui permettent de mieux connaitre les mécanismes liés à l'évolution et à l'émergence des bacilles de la tuberculose, sont une avancée majeure dans la compréhension de cette maladie. Ils sont publiés dans la revue Nature Microbiology le 27 janvier 2016
La tuberculose est une maladie bactérienne chronique causée par l'agent infectieux Mycobacterium tuberculosis. En 2014, 9,6 millions de cas de tuberculose et 1,5 million de décès ont été recensés dans le monde, classant cette maladie au second rang des causes de décès dus à un agent infectieux unique (OMS, 2015). Pour combattre cette maladie, il est nécessaire de mieux comprendre les facteurs et mécanismes favorisant sa propagation.

Les étapes évolutives, et adaptations génétiques associées, qui ont permis aux bacilles de la tuberculose de coloniser l'Homme restent peu connues à l'inverse d'autres maladies infectieuses comme la peste ou le typhus. Pour aborder cette question, les chercheurs se sont intéressés à un autre type de bacille, Mycobacterium canettii, connu pour causer de rares cas de tuberculose et pour être génétiquement proche de l'ancêtre de M. tuberculosis. Les chercheurs ont observé que les colonies2 de ces bactéries sont très différentes de celles des bacilles de la tuberculose. Alors que sur milieu solide les colonies de M. tuberculosis sont sèches, rugueuses et fripées, celles de M. canettii sont muqueuses et collantes. Dans un milieu de culture liquide, les premières sont fortement agrégées en forme de corde alors que les secondes se désolidarisent complétement.

En étudiant des mutants spontanés de M. canettii formant des colonies fripées, les chercheurs ont montré que le changement d'aspect des colonies a été provoqué par une recombinaison entre deux gènes impliqués dans la production d'un glycolipide de l'enveloppe bactérienne. En étudiant précisément l'organisation génétique de cette région chez les bacilles de la tuberculose, les scientifiques ont pu démontrer qu'une recombinaison similaire s'était produite chez l'ancêtre de M. tuberculosis. Cette recombinaison conduit à l'inactivation de la voie de biosynthèse du glycolipide et donc à sa disparition à la surface des bacilles. Les chercheurs ont montré que cette disparition induit chez M. canettii une modification des propriétés de surface et favorise ainsi son agrégation en « corde », de la même manière que chez M. tuberculosis. Enfin, en utilisant différents modèles animaux et cellulaires de l'infection, les chercheurs ont établi que cette modification de l'enveloppe bactérienne provoque un changement des interactions avec les cellules de défense de l'hôte et une augmentation de la virulence de M. canettii.

Cette découverte constitue une étape essentielle dans la compréhension de l'origine et de l'émergence du bacille de la tuberculose. Les chercheurs vont continuer à étudier M. canettii et M. tuberculosis afin de déterminer les facteurs bactériens et les réponses immunitaires induites par ces facteurs qui ont contribué au succès de M. tuberculosis en tant que pathogène majeur de l'homme.

Notes :
1 De l'Institut de pharmacologie et de biologie structurale (CNRS/Université Toulouse III - Paul Sabatier), de l'Unité Pathogénomique mycobactérienne intégrée de l'Institut Pasteur et du Centre d'infection et d'immunité de Lille (CNRS/Inserm/Université de Lille/Institut Pasteur de Lille) ainsi qu'un chercheur de l'université de Melbourne.
2 Une colonie est une masse de cellules ou de micro-organismes, qui se développe dans un milieu de culture. Ce milieu peut être solide ou liquide.

 

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ALZHEIMER

 

LA MÉMOIRE ET L'OUBLI


L'Alzheimer : l'oeil du neuropsychologue


la mémoire et l'oubli - par Jocelyne de Rotrou et Annie Gosselin dans mensuel n°344 daté juillet 2001 à la page 50 (2767 mots) | Gratuit
Votre mémoire vous joue des tours. Oh, pas grand-chose, mais... Ces quelques oublis de ces dernières semaines vous inquiètent. Et si c'était l'Alzheimer ? Le réseau d'évaluation qui conduit du généraliste au neuropsychologue hospitalier s'attache à faire la part des choses entre déficits mnésiques dus à l'âge, et troubles potentiellement graves.

Al'échelon mondial , toutesles études consacrées au vieillissement démographique attestent du même phénomène : dans la population globale, le nombre de personnes âgées plus de 60 ans et très âgées plus de 75 ans augmente de façon continue. D'un peu moins de 600 millions à la fin des années 1990, la population âgée dépassera le milliard en 2025. Dans les pays développés, à 60 ans, on a en moyenne devant soi quinze à vingt-cinq ans d'existence. Vivre vieux n'est pas inquiétant en soi, mais le devient lorsqu'on perd son autonomie. Or, la survenue de démences* liées à l'âge est un facteur de dépendance.

Parmitoutes les démences, la maladie d'AlzheimerI est la plus fréquente de 50 % à 70 %. Il s'agit d'une affection du système nerveux central caractérisée par l'installation progressive de lésions neuropathologiques spécifiques : les dégénérescences neuro-fibrillaires et les plaques séniles. Ces lésions sont associées à la détérioration progressive des fonctions cognitives : facultés d'attention-concentration, perception, mémoire, langage et intelligence. Cette maladie est actuellement diagnostiquée trop tard. Méconnue à ses débuts, elle est trop souvent confondue avec d'autres affections en particulier les états anxio-dépressifs, voire ignorée, les dysfonctionnements cognitifs étant considérés « normaux pour l'âge ». Pour un expert, le problème actuellement n'est pas tant de porter un diagnostic clinique de maladie d'Alzheimer au stade démentiel que d'identifier cette maladie au stade prédémentiel ou préclinique. Avant l'expression avérée de la démence, le patient expérimente une série de difficultés cognitives dont les troubles de la mémoire se révèlent les plus précoces et les plus constants. Mais tout trouble de mémoire n'est pas annonciateur de maladie d'Alzheimer. Ces dernières années, différents travaux ont évoqué le concept de MCI mild cognitive impairment 1 pour désigner une population particulière de personnes qui présentent une diminution mineure du fonctionnement cognitif sans retentissement sur les activités de la vie quotidienne. Sans préjuger d'une étiologie, ce concept a le mérite de renforcer les notions, mieux documentées aujourd'hui, de « stades prédémentiel et démentiel », de « risque » de développement de la maladie ou de « conversion », à plus ou moins longue échéance.

Questions clés. Comment différencier les troubles cognitifs normalement associés à l'âge des signes précoces de la maladie d'Alzheimer ? Comment détecter, parmi les sujets MCI, ceux qui développeront une maladie d'Alzheimer ? Quelles sont les modalités de prise en charge des troubles cognitifs - du trouble cognitif normal pour l'âge à la détérioration cognitive globale ? Peut-on prévenir la maladie d'Alzheimer ? Telles sont les principales interrogations en ce domaine. Elles sont au centre des préoccupations des cliniciens de l'hôpital Broca. Dès 1986, le Pr Françoise Forette a ouvert au public la première consultation- mémoire implantée dans un service hospitalier. En 1994, sous la responsabilité du Dr Anne-Sophie Rigaud, cette consultation s'est doublée d'un hôpital de jour d'évaluation gérontologique, qui répond aux critères d'un centre expert en gériatrie. C'est en référence à notre expérience de terrain et à une réflexion théorique plus générale que nous apportons quelques éléments de réponse aux questions évoquées.

Réserve cognitive. De multiples travaux scientifiques consacrés au vieillissement des fonctions cognitives confirment les difficultés observées et rapportées par les personnes âgées elles-mêmes. Un consensus se dégage pour admettre que, schématiquement, ce sont les « ressources de traitement » qui sont généralement affectées par l'âge : ressources attentionnelles, mémoire de travail, vitesse de traitement2. A partir de 50 ans, en moyenne, certains types de mémoire deviennent moins efficaces que d'autres. Comparativement aux populations plus jeunes, la mémoire explicite et la mémoire de travail diminuent de façon significative alors que la mémoire implicite ne s'altère pas ou peu. Ce sont ces deux types de mémoire qui impliquent le plus de ressources attentionnelles, qui sollicitent le plus les processus dits contrôlés, par opposition aux processus automatiques. Par mémoire explicite, on entend le rappel consciemment exprimé d'informations sémantiques « Londres est la capitale de l'Angleterre » ou épisodiques « J'ai passé des vacances à Londres, l'année dernière ». La mémoire de travail, elle, se réfère au stockage temporaire d'informations et à leur manipulation mentale simultanément à l'exécution de tâches cognitives. Dans la vie quotidienne, son bon fonctionnement se traduit par la capacité, par exemple, à faire plusieurs choses en même temps sans erreur. Cela signifie résister à la distraction, c'est-à-dire contrôler les interférences, éliminer les éléments non pertinents et intégrer de nouveaux éléments pertinents par rapport au but poursuivi. Si la manipulation des informations en mémoire de travail s'effectue moins rapidement chez les personnes âgées, elles ne vont toutefois pas commettre d'erreurs, ou en commettre peu. Ce ralentissement ne retentit donc pas sur leur autonomie fonctionnelle.

Le niveau d'expertise atteint dans un domaine donné et la consolidation de cette expertise par une sollicitation adaptée permettent aux adultes âgés dont le cerveau est sain soit de préserver leurs fonctions, soit de développer des capacités de compensation, dans le domaine considéré. Par exemple, un comptable de 80 ans, s'il compte moins vite qu'un comptable jeune, compte mieux qu'un autre adulte du même âge ou plus jeune qui n'a pas l'habitude de compter. Ces capacités de compensation - ou « réserve cognitive » - ont pour effet, dans un domaine donné, de masquer les difficultés, de retarder leur apparition, d'atténuer leur intensité. En pratique clinique courante, ce sont elles qui permettront de faire la différence entre sujets normaux et patients porteurs de lésions dégénératives. Les personnes âgées normales, qui, dans la vie quotidienne, compensent spontanément, savent, dans une situation de tests, tirer parti des aides fournies par l'expérimentateur. Chez un patient atteint de la maladie d'Alzheimer, le déclin sera de moins en moins compensé, la maladie affectant non seulement la mémoire explicite et la mémoire de travail, mais également la réserve cognitive. Le patient ne bénéficie pas ou peu des aides auto-activées chez les sujets normaux dans la vie quotidienne, ou utilisées avec efficacité en situation de tests. Chez ce patient, les tests dits « de double tâche » qui consistent à faire deux choses en même temps, par exemple barrer des signes tout en répétant des séries de chiffres montrent non seulement un temps d'exécution anormalement long mais aussi la présence d'erreurs tout à fait caractéristiques : le patient va omettre des éléments, en ajouter ou privilégier l'une des tâches au détriment de l'autre.

Comment évalue-t-on le fonctionnement cognitif ? L'examen s'effectue en deux temps : d'abord, de façon assez schématique auprès du médecin traitant, au moyen d'échelles dites globales ; puis, si le médecin traitant le juge nécessaire, au moyen de tests neuropsychologiques plus élaborés, au sein d'une structure hospitalière.

Evaluation schématique. Le médecin traitant dispose de deux outils. L'instrument de référence s'appelle le MMS mini mental state 3 . Il s'agit d'un questionnaire évaluant, entre autres, la capacité du patient à se rappeler trois mots immédiatement après les avoir entendus, à soustraire par séries de 7 et à effectuer un rappel différé des trois mots précédemment entendus, sa maîtrise du langage et ses capacités visuo-constructives. Le score varie de 0 à 30. Un score global inférieur à la valeur - seuil pour l'âge et le niveau socio-éducatif est un élément péjoratif. De tous les items du MMS, le plus sensible à la maladie d'Alzheimer est le rappel différé des trois mots, ainsi que nous l'avons confirmé lors d'une étude réalisée a posteriori sur 62 patients venus consulter à l'hôpital Broca. 91 % des 22 patients normaux répètent deux ou trois mots, tandis que 71,43 % des 21 patients atteints de maladie d'Alzheimer ne répètent aucun mot ou un seul. Les chevauchements sont naturellement importants pour les MCI.

Un deuxième instrument utile au médecin traitant est le MIS memory impairment screen 4 . Il s'agit de se rappeler 4 mots après les avoir encodés à partir de leur catégorie sémantique. Le rappel est demandé après que le sujet a effectué une tâche différente par exemple, compter et, en cas d'échec, l'indice sémantique est fourni. Le score varie de 0 à 8 voir l'enca- dré : « Un test classique ». Nous avons comparé les scores des mêmes sujets, au MMS et au MIS, en considérant cet item du rappel différé. L'ensemble des résultats confirme que la sensibilité à une tâche interférente est un paramètre crucial pour différencier les sujets normaux - dont les troubles de mémoire sont dus au vieillissement - des patients atteints de maladie d'Alzheimer. Une étude portant sur un plus grand nombre de sujets est en cours, sous la direction de Gian Franco Dalla Barba Inserm U324.

Examen poussé. Aucun de ces deux tests ne permet à lui seul de différencier les populations, et leur usage ne peut être qu'une première étape, permettant notamment d'étayer la décision du médecin traitant d'orienter ou non son patient vers une structure spécialisée. L'examen neuropsychologique plus élaboré qui y est pratiqué permet d'évaluer l'ensemble des fonctions cognitives, de même que l'humeur, le comportement, l'autonomie fonctionnelle dans la vie quotidienne. Alors seulement, on peut émettre des hypothèses fiables quant à l'existence sous-jacente d'une maladie d'Alzheimer. Le suivi des patients âgés montre, en effet, que certains troubles cognitifs peuvent être réversibles. Il s'agit généralement de troubles isolés, souvent dans des contextes d'états anxieux ou dépressifs. Ils s'amendent avec la normalisation de l'état psychologique ou thymique. Lorsque les troubles cognitifs persistent, la probabilité pour qu'ils soient dus à une affection autre que l'anxiété ou la dépression est plus forte figure ci-dessus. Il faut souligner que des perturbations autres que mnésiques, par exemple des troubles de l'attention, des troubles des fonctions exécutives ou des troubles psychologiques, sont présentes chez certains patients dès le stade initial de la maladie d'Alzheimer. Si, en pratique clinique courante, un examen neuropsychologique doit évaluer l'ensemble des fonctions cognitives, l'examen de la mémoire demeure primordial. L'un des tests de référence à cet égard, utilisé à l'échelon international, est le test de Grober et Buschke5 le MIS en est la version abrégée. Le test consiste en trois rappels libres et indicés, puis un rappel différé, d'une liste de 16 mots appartenant à 16 catégories sémantiques différentes. Lors d'une étude menée à l'hôpital Broca6, nous avons mis en évidence sa forte puissance de discrimination entre patients normaux et patients atteints de la maladie d'Alzheimer, mais son moindre pouvoir de discrimination entre patients normaux et patients MCI, ou patients MCI et patients atteints de la maladie d'Alzheimer. Il est certain que l'évaluation neuropsychologique contribue de façon substantielle au diagnostic clinique de maladie d'Alzheimer. Toutefois, cette évaluation ne permet pas, à elle seule, de porter ce diagnostic. On y adjoint un examen neuroradiologique, fonctionnel et clinique.

Prédire la maladie ? Dans une approche non plus de diagnostic, mais de prédictibilité de la maladie d'Alzheimer dans une population MCI, seule une approche multidisciplinaire incluant des facteurs médicaux, cognitifs, fonctionnels, neuroradiologiques, génétiques et biologiques, permet d'identifier un risque fort ou faible de conversion dans la maladie d'Alzheimer. Aucun de ces facteurs pris isolément ne peut être utilisé dans ce but, même pas les facteurs cognitifs, quand bien même ils se révèlent les plus fiables de tous les facteurs prédictifs de la maladie7. Ces approches multidisciplinaires demeurent aujourd'hui du domaine de la recherche et ne peuvent être pratiquées que dans des centres experts. Sous la responsabilité du professeur Bruno Dubois, vingt centres français participent actuellement à une étude dont l'objet est la validation d'un outil prédictif pour le diagnostic de la maladie d'Alzheimer. Cette étude porte sur 300 patients qui seront suivis pendant trois ans.

Porter un diagnostic n'est pas une fin en soi. S'il est important de porter un diagnostic précoce, c'est en vue d'une prise en charge précoce. La maladie d'Alzheimer étant multifactorielle, il ne peut donc encore exister de traitements étiologiques. Mais les traitements pharmacologiques symptomatiques constituent néanmoins de réels progrès. L'inhibition de l'acétylcholinestérase* est aujourd'hui la stratégie médicamenteuse privilégiée. Trois inhibiteurs tacrine, rivastigmine et donepezil sont aujourd'hui communément prescrits par les gériatres, neurologues, et psychiatres. Un quatrième la galantamine sera bientôt disponible. De façon complémentaire aux traitements médicamenteux, la prise en charge de la maladie d'Alzheimer doit aussi comporter une approche psychologique et psychopédagogique, qui ne peut qu'optimiser le résultat thérapeutique global. Deux grandes orientations d'intervention sont aujourd'hui bien tracées, avec les approches de type rééducation et celles de type stimulation cognitive, psychologique et sociale.

Modèle théorique. Le principe de la rééducation cognitive se réfère aux modèles de la neuropsychologie cognitive. En référence à un modèle théorique, le neuropsychologue effectue un bilan aussi exhaustif que possible du fonctionnement cognitif du patient. Ce bilan permet d'objectiver non seulement les déficits mais également les capacités préservées, dans le but d'appliquer des stratégies rééducatives appropriées à la spécificité de chaque trouble. Certaines de ces approches sont inspirées par les modalités de prise en charge des syndromes amnésiques liés à des lésions circonscrites après un traumatisme crânien ou un accident vasculaire cérébral, par exemple. Les techniques utilisées s'apparentent à certains égards à celles d'un entraînement de laboratoire, du fait des aspects spécifiques et répétitifs inhérents d'ailleurs à toute rééducation. Ce type de prise en charge présente un intérêt théorique certain, dans la mesure où il procure des informations sur les capacités du patient dément dans un domaine spécifique. Mais il est limité du fait de sa dépendance à un modèle théorique forcément réducteur, qui ne prend pas en compte les capacités de réorganisation fonctionnelle des patients dans toutes les activités de la vie quotidienne.

Approche globale. Dans une perspective plus globale et pragmatique, nous avons développé, à l'hôpital Broca, une méthode différente, conçue comme un plan d'intervention cognitive, psychologique et sociale, de soutien au patient et à son entourage. Il s'agit d'approches multidimensionnelles, adaptées au degré d'intensité des troubles, que nous intitulons « programmes de stimulation cognitive ». La stimulation cognitive8,9 est un concept global qui intègre trois sortes de facteurs, des facteurs cognitifs, psychologiques et sociaux. En ce qui concerne les patients, il s'agit d'un ensemble de méthodes psychopédagogiques sous forme d'applications pratiques, en correspondance avec les situations pragmatiques de la vie quotidienne, et regroupées dans des séances. Ces séances sont collectives, bihebdomadaires dans notre expérience et permettent de créer une dynamique de groupe favorable aux échanges sociaux et au renforcement de liens relationnels. Les patients se retrouvent à intervalles réguliers au même endroit et avec les mêmes personnes. Ces réunions évitent l'isolement, facilitent la socialisation, le sentiment d'appartenance à un groupe. Une séance réunit 8 à 10 patients encadrés par plusieurs thérapeutes qui modulent la difficulté des applications pratiques en fonction du degré de l'altération cognitive. De ce fait le patient bénéficie d'une approche personnalisée à la fois individuelle et collective. Il s'agit d'une application pédagogique, aux antipodes d'un entraînement mécaniciste. Mais parce que, plus que dans toute autre maladie, le tandem patient-famille ou patient-soignant est à considérer au quotidien dans le cas d'une maladie d'Alzheimer, l'accompagnement psychopédagogique des aidants revêt une importance primordiale. C'est pourquoi, outre l'intervention auprès du patient, un programme de stimulation cognitive comporte trois autres volets : une formation des familles et des soignants qui vont apprendre comment prolonger au quotidien l'action entreprise par les thérapeutes, comment prévoir les situations de crise ou comment y faire face ; un soutien psychothérapique des patients, des familles et des soignants ; une intégration dans un projet thérapeutique plus global. Lorsque les moyens ne sont pas réunis pour assurer une prise en charge multidimensionnelle patient-famille ou patient-soignant, la formation des aidants et leur soutien psychologique sont prioritaires10.

Education cognitive. Aborder le problème de la prise en charge des troubles cognitifs conduit de façon naturelle à aborder le problème de la prévention de tels troubles. Si nul ne sait aujourd'hui prévenir des lésions, on peut essayer de prévenir les symptômes : l'influence du niveau socio-éducatif et des acquis prélésionnels dans les performances aux tests, ou plus globalement dans les comportements cognitifs de la vie quotidienne est indéniable. Cette argumentation justifie l'intérêt croissant pour l'éducation cognitive, c'est-à-dire l'acquisition des stratégies cognitives susceptibles d'optimiser le fonctionnement cognitif, et cela à tout âge. Les chercheurs et les cliniciens sont, aujourd'hui, en mesure de proposer des méthodes pédagogiques d'optimisation des facultés d'attention, de concentration, de langage, de mémoire, adaptées à l'âge. Ces méthodes sont appliquées dans des programmes d'éducation et de stimulation cognitives, intitulés PAC programmes d'activités cognitives ou encore « ateliers cognitifs ». Si le vieillissement démographique suscite des inquiétudes du fait de l'accroissement avec l'âge des pathologies démentielles, les avancées majeures réalisées ces dix dernières années laissent émerger l'espoir de réponses efficaces, tant dans le domaine de l'évaluation des troubles cognitifs que dans le domaine de leur prise en charge.

Par Jocelyne de Rotrou et Annie Gosselin

 

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IMMUNOLOGIE

 

Les promesses de l’immunologie

09.07.2015, par Louise Mussat
Système immunitaire Réponse du système immunitaire face à une infection : ce macrophage engloutit des bactéries qui attaquent l’organisme.
 Dr. D PHILLIPS/VISUALS UNLIMITED/CORBIS

Auteur d’un récent ouvrage sur l’immunologie, Philippe Kourilsky, professeur émérite au Collège de France et ancien directeur de l’Institut Pasteur, évoque les succès, les échecs et les espoirs de cette discipline dont il est l’un des grands spécialistes mondiaux.
L’immunologie existe au moins depuis le XIXe siècle. Pourtant, dans votre livre Le Jeu du hasard et de la complexité, vous parlez de la « nouvelle science de l’immunologie ». Pourquoi ?
Philippe Kourilsky1 : J’y souligne que la biologie n’est pas que la science de la vie. C’est aussi la science de la survie. Il ne suffit pas de naître et de vivre. Il faut survivre face aux innombrables hasards qui peuvent nous détruire. Pour moi, il faut élargir l’immunologie à l’ensemble des défenses naturelles de l’homme. Il ne s’agit plus seulement d’étudier celles qui combattent les agents pathogènes (virus, bactéries, champignons…), mais également celles qui s’attaquent incessamment aux « ennemis de l’intérieur », à savoir, aux innombrables erreurs commises par nos cellules au sein de l’organisme. Les plus communes, mais ce ne sont pas les seules, se produisent dans les cellules lors de la réplication de leur ADN. Ces mutations peuvent conduire au développement de cancers.

La plupart du temps, cette surveillance fonctionne plutôt bien…
P. K. : Notre organisme est une machine particulièrement robuste et performante en effet. Il est très probable que nous développions régulièrement (tous les mois, peut-être ?) des mini-cancers et toutes sortes d’infections bénignes. Nous ne nous en rendons pas compte parce que notre système immunitaire parvient la plupart du temps à s’en débarrasser, grâce à toutes sortes de contrôles de qualité qui corrigent les défaillances. Ainsi, on n’observe la tumeur cancéreuse que lorsque le système a échoué. C’est un peu comme dans l’aviation : on remarque les failles de l’ingénierie lorsqu’il y a un crash, mais on a tendance à oublier à quel point les systèmes de contrôles des avions sont efficaces. L’avion est le plus sûr des moyens de transport.

Système immunitaire Réponse du système immunitaire face à la bactérie provoquant la tuberculose : les globules blancs (ici en rouge) entourent les bactéries.
 Dr. V. BRINKMANN/VISUALS UNLIMITED/CORBIS

Alors pourquoi le système échoue-t-il de temps en temps, face à ces « ennemis de l’intérieur », notamment dans les cancers ?
P. K. : Parce que le système peut être débordé, ou contourné, et qu’il peut lui-même commettre des erreurs. Il faut en général une bonne demi-douzaine de mutations pour qu’une cellule parvienne à échapper à tout contrôle et se multiplie de façon anarchique. Une mini-tumeur se développe alors. L’organisme peut parvenir à s’en débarrasser. Mais si, par hasard encore une fois, de nouvelles mutations se produisent au sein de cette tumeur, cela facilite son échappement. Dans un jeu du chat et de la souris, elle va chercher à déjouer le système immunitaire, à produire des cellules plus agressives et à leurrer son environnement afin de grandir davantage. Si le cancer reste si difficile à soigner, c’est aussi parce qu’il ne s’agit pas d’une seule et même maladie. Parler « du » cancer est un abus de langage. Il y a quasiment autant de cancers que de types cellulaires. Pour chacun, il faut donc apporter une réponse spécifique. Cela implique de bien connaître le cancer auquel on a affaire. Ce qui est très loin d’être aisé…

Si le cancer reste si
difficile à soigner,
c’est aussi parce
qu’il ne s’agit pas
d’une seule et
même maladie.
La chimiothérapie et les rayons ne sont pas très spécifiques…
P. K. : C’est pour cela que l’on développe d’autres techniques. L’immunothérapie, par exemple, vise à stimuler les défenses immunitaires du patient. Cela consiste à lui administrer des anticorps spécifiques, dirigés contre telle ou telle catégorie de tumeur. On peut aussi procéder en prélevant, dans les tumeurs cancéreuses, des lymphocytes T porteurs du récepteur adéquat et capables d’éliminer les cellules cancéreuses. On fait ensuite proliférer ces cellules tueuses par milliards in vitro, dans des environnements hyperstériles. Cette technique est parfois couronnée de succès, mais elle est compliquée et très coûteuse. Une nouvelle approche est en train d’émerger, qui permet de faire proliférer les bonnes cellules tueuses au sein même du corps humain. Les travaux sont en cours.

On compte désormais plusieurs cas de rémission totale de cancers grâce à l’immunothérapie…
P. K. : Attention, ne donnons pas de faux espoirs aux gens. Cela fait depuis quinze à vingt que l’on parvient à guérir les souris du cancer avec ce type d’approche. Mais il est très compliqué de remporter le même succès chez l’homme, dont le corps est plus volumineux et plus complexe. Certes, des équipes (notamment celle de Carl June, à l’université de Pennsylvanie), ont récemment obtenu une proportion impressionnante de rémissions complètes dans le cadre d’essais cliniques portant sur assez petit nombre de patients atteints de certains cancers. Mais nous n’en sommes encore qu’à la phase expérimentale. Cette précaution prise, je dois avouer que cela fait des années que je n’ai pas vu de résultats aussi prometteurs…

Immunothérapie Échantillon de sang prélevé dans le cadre d’une immunothérapie pour traiter le cancer.
 DPA PICTURE ALLIANCE/BSIP

Les avancées pour contrer certains agents infectieux, les ennemis de l’extérieur, sont moins spectaculaires. Pourquoi n’est-on toujours pas parvenu par exemple à élaborer un vaccin contre le VIH ?
P. K. : Les vaccins que l’on a mis au point jusqu’à maintenant étaient peut-être les plus faciles. Désormais, on s’attaque aux plus coriaces. Ceux contre les virus ou les parasites qui ont la faculté de muter très rapidement et pour lesquels il faut sans cesse adapter la réponse, comme le paludisme, la grippe (pour laquelle on ne sait pas encore proposer de vaccin universel) et le VIH… Ce dernier cumule deux casse-tête : non seulement il est en constante mutation, mais en plus il a la particularité de s’attaquer au système immunitaire. La vérité, c’est qu’avec le VIH une partie de la communauté scientifique est retournée au tableau noir afin de reprendre les fondamentaux du virus, car aucun des prototypes de vaccins préventifs n’a jusqu’à ce jour abouti. La perspective de vacciner massivement les populations, notamment en Afrique, est donc très lointaine. C’est pour cette raison qu’une autre partie de la communauté préfère se consacrer à la confection d’un vaccin non pas préventif, mais thérapeutique, qui complète, allège ou remplace le traitement par les médicaments antirétroviraux.

Vous parlez de l’immunologie comme d’une science fascinante. Pouvez-vous me dire ce qui vous surprend le plus dans le système immunitaire ?
P. K. : Beaucoup de mécanismes et de phénomènes liés à l’immunité et aux défenses naturelles me sidèrent. Ils proviennent de « découvertes évolutives » majeures. Par exemple, la faculté qu’ont nos lymphocytes B, ceux qui ont pour fonction de produire des anticorps, à combiner aléatoirement des morceaux de gènes pour dépasser la limite des 25 000 gènes que compte notre génome afin de produire des centaines de millions d’anticorps différents. L’organisme parvient ainsi à se doter d’une « couverture » anti-infectieuse quasi complète, puisqu’il est ainsi capable de répondre à l’immense variété des antigènes, qui évoluent sans cesse. Bien entendu, chaque catégorie de cellule B productrice d’un anticorps particulier n’est présente qu’en petit nombre dans l’organisme. Ce nombre est insuffisant pour pouvoir neutraliser les éléments pathogènes. Ce qui se passe, c’est que, lorsque l’anticorps reconnaît l’antigène, les lymphocytes porteurs de cet anticorps spécifique prolifèrent. Prodigieux ! Le complexe majeur d’histocompatibilité (CMH), pour la découverte duquel le professeur Jean Dausset a reçu le prix Nobel de médecine, est également tout aussi fascinant.

Beaucoup de
mécanismes et de
phénomènes liés à
l’immunité et aux
défenses naturelles
me sidèrent.
De quoi s’agit-il ?
P. K. : Les cellules du CMH ont pour fonction de présenter un morceau d’antigène (le plus souvent un bout de protéine, un peptide) que les cellules T vont, ou non, reconnaître grâce à leur récepteur. Mais, pour reconnaître les corps étrangers – virus, bactéries, etc. – rassemblés sous le terme de « non soi », et les attaquer, l’organisme doit d’abord apprendre à reconnaître ses propres constituants, pour les épargner. On dit que le système immunitaire doit apprendre à tolérer le soi. Cet apprentissage se fait notamment pendant la vie fœtale, par sélection : parmi les lymphocytes T, une bonne partie de ceux dont les récepteurs sont capables de se lier avec des molécules provenant de l’organisme lui-même sont éliminés. Ce qui permet d’écarter des cellules susceptibles de déclencher une réaction auto immune.

Mais ce système n’est pas infaillible…
P. K. : En effet, notamment parce que les agents infectieux ne cessent de développer des stratégies pour tromper le système immunitaire. Tel virus peut par exemple mimer telle protéine de l’organisme, de sorte que ce dernier ne se met pas en ordre de bataille, il ne se défend pas, car il n’a pas reconnu l’ennemi, il n’a pas reconnu le « non-soi ». Mais, quand il le reconnaît, les conséquences peuvent également être dramatiques. Certains virus peuvent en effet provoquer des désordres auto-immuns. Dans un premier temps, l’organisme s’attaque à un agent infectieux qui ressemble au soi. Ainsi dupé, il va ensuite prendre le soi pour du non-soi et ainsi déclencher une réponse auto-immune, c’est-à-dire s’attaquer à lui-même. C’est ainsi qu’apparaissent les maladies auto-immunes, comme la sclérose en plaques, le diabète, etc.

Une question plus personnelle pour terminer : pourquoi avez-vous choisi de vous tourner vers l’immunologie ?
P. K. : Je dois vous dire la vérité : c’est grâce à mon frère François. Au moment où j’ai commencé la recherche, en génie génétique, il était immunologiste avant de devenir directeur général du CNRS (entre 1988 et 1994, ndlr). Il m’a conseillé d’isoler par clonage et d’étudier les gènes du système HLA. De fil en aiguille, je suis ainsi devenu immunologiste… Je tiens à souligner que, même si j’ai fini par quitter le CNRS pour devenir professeur au Collège de France, je suis très reconnaissant envers l’organisme, qui m’a soutenu durant de très nombreuses années.


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