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LES LIMITES DE LA CONNAISSANCE PHYSIQUE

 

 

 

 

 

 

 

Texte de la 208e conférence de l’Université de tous les savoirs donnée le 26 juillet 2000.
La connaissance physique a-t-elle des limites ?

par Jean-Marc Lévy-Leblond
Il n’est pas indifférent que dans ce cycle de conférences sur “tous les savoirs”, la question des limites de la connaissance n’ait été posée qu’à la physique. C’est sans doute son statut implicite de science modèle qui lui vaut cet honneur. C’est aussi que, depuis le début du XXe siècle, la physique s’est à elle-même posé la question. « L’homme devrait garder son humilité devant la nature puisque la précision avec laquelle il peut l’observer rencontre des limitations intrinsèques. » Ainsi l’Encyclopædia Britannica conclut-elle son article sur le “principe d’incertitude” de Heisenberg. De fait, la révolution quantique a donné lieu à d’abondantes exégèses sur ce thème : l’impossibilité de mesurer à la fois la position et la vitesse des corpuscules signalerait une limite absolue de nos connaissances. La Nature elle-même refuserait de se laisser dévoiler, et notre science la plus avancée buterait ainsi sur des frontières infranchissables. L’impossibilité de dépasser la vitesse de la lumière, mise en évidence par Einstein, a été interprétée dans la même veine : nous ne pouvons savoir ce qui s’est passé sur le Soleil durant les huit dernières minutes, faute qu’aucun signal ne puisse nous en prévenir. Mais avec un recul de quelques décennies, cette conception résignée, traduite par des vocables qui paraissent aujourd’hui pour le moins inadaptés (relativité, incertitudes), a perdu sa pertinence. Loin d’imposer des bornes à notre savoir, ces découvertes ont au contraire permis à notre compréhension de considérables progrès, en réorientant nos conceptualisations et nos interrogations. Elles ont montré l’inadéquation au réel de nos formulations antérieures. Si certaines questions (« Que se passait-il sur le Soleil il y a deux minutes ? », « Où est l’électron et à quelle vitesse va-t-il ? ») n’admettent pas de réponses, c’est qu’elles sont dépourvues de pertinence. De même, la question « Qu’y a-t-il sur la Terre à 30 000 kilomètres au Sud de Paris ? » est-elle rendue caduque par la rotondité de la Terre et la connaissance de sa circonférence (40 000 kilomètres) ; dira-t-on pour autant que cette découverte impose une limitation à la géographie ? Les mutations théoriques de la physique du XXe siècle n’ont nullement découvert des limites intrinsèques à notre connaissance scientifique, mais, bien au contraire, lui ont ouvert de nouveaux espaces. En témoigne l’approfondissement considérable de notre maîtrise, intellectuelle mais aussi matérielle, du monde quantique. Reste que la persistance des interprétations négatives et des métaphores abusives (voir un récent article du Monde sur la « politique quantique de Jacques Chirac » !) montre bien cependant une limitation effective de nos connaissances – nous y reviendrons.
Au cours des dernières décennies, le défaitisme a plutôt cédé la place à un triomphalisme naïf, selon lequel la physique ne rencontrerait aucun obstacle et serait en mesure d’accéder à une connaissance complète de l’univers : le réel obéirait à un petit nombre de lois fondamentales, que nous serions sur le point de découvrir ; c’est le fantasme de la “théorie ultime” ou d’une “théorie du Tout”. La connaissance physique rencontrerait alors, effectivement, ses limites : finie par essence, elle toucherait bientôt à ses bornes, et s’épuiserait dans son succès. Une première réserve devant cette perspective, pourtant entretenue par des physiciens réputés, est suscitée par sa répétitivité : déjà Newton pensait avoir découvert une théorie universelle de la gravitation, capable d’expliquer l’ensemble des phénomènes physiques ; le développement de l’électromagnétisme a fait litière de cette prétention. À la fin du XIXe siècle, un aussi grand esprit que Lord Kelvin considérait que la physique était (presque) terminée – juste avant que l’on ne découvre les interactions nucléaires… Que la physique depuis plus d’un demi-siècle n’ait mis en évidence aucune nouveauté radicale, ne l’autorise en rien à proclamer la clôture du registre des forces essentielles à l’œuvre dans la nature. Mais surtout, l’autosatisfaction des physiciens fondamentalistes repose sur une vision bien pauvre de la réalité : la multiplicité des formes concrètes d’organisation de la matière, la richesse de comportement des innombrables objets de la nature, rend toujours plus large le hiatus entre les explications générales et la compréhension détaillée des faits. Un nombre croissant de phénomènes matériels, récemment découverts (la supraconductivité à haute température) ou connus depuis longtemps (la flottabilité de la glace) restent mal compris, bien que la théorie quantique abstraite qui les sous-tend soit connue. S’il y a une leçon à retenir du XXe siècle, c’est bien la faillite de tout réductionnisme naïf, selon lequel la connaissance théorique remonte nécessairement des principes à leurs manifestations. Une (très éventuelle) “théorie du Tout” ne serait certainement pas une théorie de tout… Le programme qui consiste à « remplacer du visible compliqué par de l’invisible simple » (selon les mots de Francis Perrin) ne saurait prétendre à l’universalité : l’invisible aussi peut être compliqué et, tel le vivant, ne guère se plier aux méthodes éprouvées de la physique – expérimentations dûment reproductibles, formalisation mathématique sophistiquée. C’est dire a fortiori que la physique rencontre effectivement des limites : celles des domaines où elle doit céder la place aux autres sciences. La scientificité ne peut se figer en critères généraux. Malgré ses prétentions à régir l’ensemble de nos connaissances scientifiques, ni son ancienneté, ni sa précision n’évitent à la physique de devoir reconnaître l’autonomie et la souveraineté des autres disciplines.
Mais on ne peut s’en tenir à un point de vue exclusivement épistémologique qui considèrerait la question des limites de la connaissance sous l’angle d’une confrontation abstraite entre la nature et l’esprit. Cet esprit est celui d’humains vivant en des sociétés particulières qui fournissent le cadre où se déroule le processus de connaissance, détermination qui à la fois permet et contraint la recherche de savoir. Il y eut des temps où ce conditionnement était essentiellement idéologique, comme le montre le rôle du christianisme dans la révolution scientifique du XVIIe siècle, rôle à la fois négatif (le procès de Galilée !) et positif (l’idée même du “Grand livre de la Nature”, liée au poids culturel des Écritures). Aujourd’hui prime l’économie. Le succès pratique de la physique au XXe siècle (électronique, nucléaire, etc.) tend à l’assujettir à des programmes à court terme, au détriment de projets plus spéculatifs. En même temps, l’industrie fécondée par la science reflue en son propre sein, conduisant à la “Big Science” dont le gigantisme semble atteindre ses bornes. La proportion des ressources sociales consacrées à la recherche fondamentale plafonne depuis quelques années, pour la première fois en quatre siècles de science moderne. L’abandon par les États-Unis, voici dix ans, de la construction d’un accélérateur de particules géant (SSC), signale ce changement d’ère. Les hésitations du politique devant les projets d’instrumentation scientifique à grande échelle (voir le récent conflit autour du projet de synchrotron “Soleil”) sont désormais la règle, ce qui ne saurait surprendre au vu de leurs budgets, couramment chiffrés en milliards de francs. Autant dire que la connaissance physique, dans certains de ses secteurs traditionnellement les plus prestigieux atteint les limites du socialement acceptable : la recherche du boson de Higgs, aussi excitante soit-elle pour l’esprit (de qui ?), présente un rapport coût/intérêt assez élevé pour que soit justifié son examen critique par la collectivité. Comme pour d’autres projets scientifiques, un ajournement de quelques décennies ne constituerait peut-être pas un retard majeur dans le développement de l’humanité. Après tout, d’autres entreprises humaines atteintes de gigantisme ont connu un coup d’arrêt au plus fort de leur développement. Les pyramides du Haut-empire égyptien et les cathédrales de l’Europe gothique ont laissé la place à des projets plus modestes – mais non moins féconds. Le redéploiement, historiquement bien tardif d’ailleurs, d’une physique à notre échelle (turbulence, matière molle) pointe dans cette direction. Mais on peut comprendre l’amertume des chercheurs devant les difficultés de leurs desseins désintéressés les plus ambitieux, alors que, en même temps, c’est un développement débridé que connaît la poursuite du savoir lorsqu’elle se confond avec celle du profit. Les mêmes phénomènes affectent (plus rapidement et plus vivement encore) les autres sciences, celles de la vie tout particulièrement. Mais la relative ancienneté de la physique permet d’étudier son cas avec quelque lucidité – privilège d’une ancienne aristocratie sur une jeune bourgeoisie.
Pour autant, cette domination et cette limitation de la science par l’économie et la politique n’est pas sans rapports avec ses problèmes épistémiques. Car, s’il est légitime de s’interroger sur les limites de la connaissance, encore faut-il savoir quel sens attribuer au mot “connaissance”. La polysémie de ce terme l’écartèle entre une signification réduite, celle d’un savoir factuel et particulier (la connaissance de la valeur de la vitesse de la lumière, ou la connaissance des éléments du tableau de Mendeleïev), et une signification large, celle d’une compréhension profonde et générique (la connaissance du rôle structurel de la vitesse-limite pour l’espace-temps, ou le rapport entre le tableau de Mendeleïev et la théorie quantique de l’atome). Force est de reconnaître que la physique moderne a accumulé un retard considérable quant à la maîtrise intellectuelle de ses propres découvertes. Bien des pseudo-paradoxes et des formulations insatisfaisantes continuent à la hanter, faute d’une refonte conceptuelle menée à bien ; le plus difficile à comprendre quant aux remarquables développements récents sur la notion de “non-séparabilité” quantique, par exemple, est encore leur considérable délai historique. La sophistication de nos formalismes a grandement crû beaucoup plus vite que notre capacité à en maîtriser le sens non ; déjà Maxwell s’écriait, il y a plus d’un siècle, que « nos équations semblent plus intelligentes que nous ! ». C’est là le contrecoup de la technicisation de la science, et de la division du travail qui s’y accentue, sans parler de la pression productiviste de son organisation sociale. Il est probable que ce déficit de notre connaissance – au sens le plus noble et le plus ambitieux du terme – handicape fortement les possibilités pour la science physique de dépasser certaines de ses difficultés actuelles. Mais si cette limitation a de sérieux effets au sein de la communauté scientifique, elle en a de bien plus graves encore dans la société en général. Comment développer une véritable acculturation de la science si ses praticiens eux-mêmes sont en manque aigu à cet égard ? Et, faute d’une reconquête intellectuelle, peut-on espérer que la science puisse devenir l’objet du débat démocratique dont la nécessité se fait chaque jour plus vive ? Ainsi, l’analyse des limites de la connaissance scientifique exige-t-elle d’abord la reconnaissance des limites de la science.
Bibliographie : Jean-Marc Lévy-Leblond, Aux contraires (l’exercice de la pensée et la pratique de la science), Gallimard, 1996 ; Impasciences, Bayard, 2000.

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PHYSIQUE ET MÉCANIQUE

 

 

 

 

 

 

 

Texte de la 584 e conférence de l'Université de tous les savoirs prononcée le 6 juillet  2005

Par Stéphane ROUX[1] : Physique et Mécanique

Résumé :

Forte de sa maturité, la mécanique des solides n'en est que plus sollicitée par de nombreux défis à relever. Les enjeux sont multiples : depuis la connaissance fondamentale, jusqu'à la conception et la caractérisation de nouveaux matériaux, en passant par la maîtrise de l'hétérogénéité de milieux à comportement complexe, l'exploitation de l'imagerie bi voire tri-dimensionnelle via l'analyse de champ, ou encore la prédiction de la variabilité ou de la fiabilité des solides et des structures. Dans toutes ces dimensions, physique et mécanique sont indissociablement liées, s'interpellant et dialoguant pour affronter plus efficacement ces challenges.

Sur le plan expérimental, les mesures physiques, de plus en plus finement résolues spatialement, permettent d'aborder directement des réponses mécaniques inhomogènes, liées au désordre constitutif des matériaux ou à leur comportement non-linéaire dans des sollicitations complexes. Sur le plan de la modélisation numérique, l'ère du progrès purement algorithmique est sans doute révolue, pour laisser place à des approches performantes exploitant les problèmes multi échelles avec discernement. Enfin, en ce qui concerne la théorie, les progrès majeurs accomplis dans le passé dans l'homogénéisation des milieux élastiques permettent de mesurer les difficultés qui sous-tendent l'abord de l'hétérogénéité pour des lois de comportement complexes (plasticité, endommagement, et rupture, matériaux amorphes, milieux divisés ou enchevêtrés, ...).

Ainsi dans tous ces domaines, et alliée à la physique, la mécanique du solide est confrontée à de nombreux et nouveaux défis, et se doit de s'exprimer dans des applications à haut potentiel industriel, économique et sociétal.


1 Introduction


Loin des feux médiatiques de la physique nanométrique ou de l'interface physique-biologie aujourd'hui porteurs de tant d'espoir, la science mécanique et plus spécifiquement la mécanique des solides pourrait apparaître comme une discipline achevée, aboutie. Les défis du passé surmontés ne laisseraient la place aujourd'hui qu'à des formulations de lois constitutives validées, à des protocoles d'essais mécaniques balisés et encadrés par des normes précises, et à des techniques de calcul éprouvées capables de digérer les lois de comportement et les géométries les plus complexes. Les progrès à attendre pourraient ainsi apparaître comme incrémentaux, voire marginaux, et les performances des résultats numériques simplement asservies au progrès fulgurant des ordinateurs. Ainsi, la reine en second des sciences dures de la classification d'Auguste Comte, entre mathématiques et physique, quitterait le domaine de la science active pour simplement alimenter son exploitation applicative et technologique.

Nul ne saurait en effet nier les très substantiels progrès récents de cette discipline qui sous-tendent une telle peinture. Seule la conclusion est erronée ! Victime d'une polarisation excessive de l'éclairage médiatique, et conséquemment des fléchages de moyens de l'ensemble des instances de recherche, mais aussi coupable d'une communication trop pauvre, (ou lorsqu'elle existe trop focalisée sur les applications) la discipline n'offre pas au grand public et plus spécifiquement aux jeunes étudiants une image très fidèle des défis qui lui sont proposés pour le futur.

Forte de sa maturité, la mécanique est aujourd'hui fortement sollicitée par de nombreux enjeux :


Enjeux de connaissance fondamentale : la terra incognita dont les frontières certes reculent, offre toujours de larges domaines à explorer, et paradoxalement parfois sous des formes presque banales, comme les tas de sable ou les milieux granulaires.
Enjeux des progrès des techniques d'analyse : Le développement d'outils d'analyse toujours plus sensibles, plus précis, plus finement résolus en espace et en temps, donne accès à des informations extraordinairement riches sur les matériaux dont l'exploitation dans leurs conséquences mécaniques est de plus en plus prometteuse mais aussi exigeante.
Enjeux liés à l'élaboration, et à la conception de nouveaux matériaux. Au-delà de la caractérisation structurale, la physique et la chimie proposent toutes deux des moyens d'élaboration de matériaux extraordinairement innovants qui sont autant de défis non seulement à la caractérisation mécanique, mais aussi à la proposition de nouvelles conceptions d'architecture micro-structurale, jusqu'aux échelles nanométriques.
Enjeux des nouvelles demandes de la société et de l'industrie. Le risque, l'aléa sont de moins en moins tolérés. Ils sont en effet combattus par le principe de précaution, pour leur dimension politique et sociale. Ils sont aussi pourchassés dans le secteur de l'activité industrielle, où les facteurs de sécurité qui pallient nos ignorances sont de moins en moins légitimes. Le progrès à attendre porte sur l'estimation des durées de vie en service de pièces ou de structure, ou sur les développements d'une quantification précise de la probabilité de rupture ou de ruine, reposant sur une évaluation de l'ensemble des sources d'aléas, depuis la loi de comportement du milieu, jusqu'à ses chargements voire même sa géométrie. Enfin, puisque la modélisation numérique devient précise et fiable, la tolérance vis-à-vis des erreurs de prédiction diminue, et plus qu'une réponse moyenne dans un contexte incertain, commence à s'affirmer une demande d'évaluation de la probabilité que tel résultat dépasse tel ou tel seuil.
2 Enjeu de connaissance fondamentale

La modélisation numérique de la mécanique d'un matériau peut être abordée de différentes manières :


Au niveau le plus fondamental, la dynamique moléculaire ab initio , rend compte des atomes et de leurs interactions dans le cadre de la mécanique quantique. Aucun compromis n'est réalisé sur la précision de la description, mais en contrepartie le coût du calcul est tel que rarement le nombre d'atomes excède quelques centaines, et la durée temporelle vraie couverte par la simulation est typiquement de l'ordre de la dizaine à la centaine de picoseconde.
Pour accélérer très sensiblement cette description, il est possible de simplifier les interactions atomiques en introduisant des potentiels effectifs. La simulation de dynamique moléculaire est alors maintenant réduite à l'intégration dans le temps des équations classiques (non-quantiques) du mouvement des atomes. Les échelles accessibles sont maintenant de quelques millions d'atomes, sur des temps allant jusqu'à quelques nanosecondes.
Pour gagner encore en étendue spatiale et temporelle, en ce qui concerne les matériaux cristallins où la déformation plastique est due au mouvement de dislocations, une stratégie d'approche intéressante consiste à accroître le niveau d'intégration de l'objet élémentaire étudié, ici la dislocation, et décrire un ensemble de tels défauts d'un monocristal, leur génération à partir de sources, leurs mouvements selon des plans privilégiés, leurs interactions mutuelles et avec les parois, la formation de défauts, jusqu'à la formation d'une « forêt » de dislocations. Cette description s'appelle la « dynamique des dislocations ».
Enfin à une échelle beaucoup plus macroscopique, la mécanique des milieux continus peut être étudiée numériquement par la classique méthode des éléments finis pour des rhéologies ou des lois de comportement aussi complexes que souhaitées.
Citons encore des simulations utilisant des éléments discrets pour rendre compte par exemple du comportement de milieux comme des bétons à une échelle proche des différentes phases constitutives (granulats, ciment, ...). L'intérêt ici est de permettre de capturer la variabilité inhérente à la structure hétérogène du milieu. Dans le même esprit, les éléments discrets permettent de modéliser les milieux granulaires avec un réalisme impressionnant, alors même que la description continue n'est aujourd'hui pas encore déduite de cette approche.
2.1 Savoir imbriquer les échelles de description

Chacune des approches citées ci-dessus est aujourd'hui bien maîtrisée et adaptée à une gamme d'échelles spatiale et temporelle bien identifiée. Il reste cependant à mieux savoir imbriquer ces différents niveaux de description, et à trouver des descriptions intermédiaires pour des systèmes spécifiques. Ainsi par exemple de nombreux travaux ont permis d'ajuster au mieux les potentiels empiriques de la dynamique moléculaire pour assurer une continuité de description avec les approches ab initio. Les maillons manquants concernent par exemple les matériaux amorphes comme les verres où la dynamique des dislocations n'est évidemment pas pertinente, et où un écart important existe entre les échelles couvertes par Dynamique Moléculaire et par la mécanique des milieux continus. L'exemple type du problème qui rassemble nombre de défis est celui de la fracture. Par nature, seule l'extrême pointe de la fissure est sensible à des phénomènes fortement non-linéaires. L'idée naturelle est alors de construire une modélisation véritablement multi-échelle, en associant simultanément différentes descriptions selon la distance à la pointe de la fissure.

Les points durs au sein de cette imbrication de description concernent l'identification des variables qui sont pertinentes pour caractériser l'état à grande échelle et celles dont la dynamique rapide peut être moyennée. Lorsque le comportement du système est purement élastique, alors ce changement d'échelle peut être effectué dans le cadre de l'homogénéisation, et de fait la procédure est ici très claire. On sait parfaitement aujourd'hui moyenner contraintes et déformations, et on maîtrise parfaitement la disparition progressive de l'hétérogénéité pour atteindre la limite aux grandes échelles d'un milieu élastique déterministe. Pour les comportements autres qu'élastiques linéaires, cette homogénéisation non-linéaire reste beaucoup moins bien maîtrisée en dépit des avancées récentes dans ce domaine, et le territoire à conquérir est à la fois vaste et riche d'applications.

Un des sujets limitants proche du précédent est surprenant tant sa banalité est grande : le comportement des milieux granulaires reste aujourd'hui un sujet de recherche très actif. Le caractère paradoxal des difficultés qui surgissent dans le lien entre descriptions microscopiques (bien maîtrisées) et macroscopiques (dont les fondations sont aujourd'hui peu satisfaisantes, même si des modèles descriptifs opérationnels existent) provient de la combinaison de deux facteurs : d'une part des lois de contact simples ( frottement et contact) mais « peu régulières » au sens mathématique, d'autre part une géométrie (empilement de particules) qui introduit de nombreuses contraintes non-locales à l'échelle de quelques particules. Les milieux granulaires montrent des difficultés spécifiques qui représentent toujours un défi pour la théorie.

2.2 Non-linéarité et hétérogénéité : Physique statistique

Décrire le comportement de milieux hétérogènes est un défi auquel a été confrontée la mécanique depuis des années. Comme mentionné ci-dessus, dans le cadre de l'élasticité de nombreux résultats ont été obtenus. Pour les milieux périodiques comme pour les milieux aléatoires, des bornes encadrant les propriétés homogènes équivalentes ont été obtenues, tout comme des estimateurs des propriétés homogènes équivalentes prenant en compte de diverses manières des informations microstructurales. Plus encore que des caractérisations moyennes macroscopiques, des informations sur leur variabilité ou encore des évaluations locales peuvent être obtenues portant par exemple sur la valeur de la contrainte ou de la déformation dans chaque phase du milieu.

Pour des rhéologies plus complexes, l'essentiel reste à construire :

Dans le domaine de la plasticité, de manière incrémentale, nous nous retrouvons sur des bases comparables à celle de l'élasticité de milieux hétérogènes, et cette correspondance a bien entendu été exploitée. Cependant une difficulté supplémentaire apparaît, au travers de corrélation spatiale à très longues portées dans les fluctuations de déformation qui se couplent ainsi au comportement local. Or, ces corrélations sont très difficiles à gérer sur un plan théorique et représentent toujours un défi pour l'avenir. Dans cette direction, des développements récents sur des modélisations élastiques non-linéaires donnent des pistes très intéressantes.

L'endommagement est une loi de comportement de mécanique de milieux continus déterministe qui décrit les milieux susceptibles de développer des micro-fissures de manière stable et dont on ne décrit que la raideur locale pour différents niveaux de déformation. Cela concerne en particulier des matériaux quasi-fragiles, comme le béton ou les roches. Paradoxalement, le caractère hétérogène de ces milieux multifissurés à petite échelle n'est pas explicitement décrit, et de fait cela ne s'avère pas nécessaire. Il existe cependant une exception notable, à savoir, lorsque le comportement montre une phase adoucissante, où la contrainte décroît avec la déformation. Ceci concerne au demeurant aussi bien l'endommagement fragile évoqué ci-dessus, que l'endommagement ductile où des cavités croissent par écoulement plastique. Dans le cas d'un adoucissement, le champ de déformation a tendance à se concentrer sur une bande étroite, phénomène dit de « localisation ». Or cette localisation dans une vision continue peut s'exprimer sur des interfaces de largeur arbitrairement étroite. Cette instabilité traduit en fait une transition entre un régime de multifissuration distribuée vers un régime de fracture macroscopique. Le confinement de la déformation concentrée devrait faire intervenir des échelles de longueur microscopiques permettant de faire le lien entre une dissipation d'énergie volumique (décrit par l'endommagement) et une dissipation superficielle sur la fissure macroscopique. Dans cette localisation, le caractère hétérogène de la fissuration se manifeste de manière beaucoup plus sensible, et c'est dans ce trait spécifique que doit être recherchée la liaison vers une fracture macroscopique cohérente avec la description endommageante. Ce passage reste à construire de manière plus satisfaisante qu'au travers des modèles non-locaux aujourd'hui utilisés dans ce contexte. C'est à ce prix que l'on pourra rendre compte de manière satisfaisante des effets de taille finie observés (e.g. valeur de la contrainte pic en fonction de la taille du solide considéré).

Dans le domaine de la physique statistique, des modèles de piégeage d'une structure élastique forcée extérieurement et en interaction avec un paysage aléatoire d'énergie ont été étudiés de manière très générale. Il a été montré dans ce contexte que la transition entre un régime piégé pour un faible forçage extérieur vers un régime de propagation à plus forte sollicitation pouvait être interprétée comme une véritable transition de phase du second ordre caractérisée par quelques exposants critiques universels. La propagation d'une fracture dans un milieu de ténacité aléatoire, la plasticité de milieux amorphes, sont deux exemples de champ d'application de cette transition de dépiégeage. Ce cadre théorique fournit potentiellement tous les ingrédients nécessaires à la description de la fracture des milieux hétérogènes fragiles ou de la plasticité des milieux amorphes, et en particulier ces modèles proposent un cadre général de la manière dont la variabilité de la réponse disparaît à la limite thermodynamique d'un système de taille infinie par rapport à la taille des hétérogénéités. La surprise est que cette disparition progressive des fluctuations se fait selon des lois de puissance dont les exposants sont caractéristiques du phénomène critique sous-jacent. La physique statistique peut donc donner un cadre général au rôle des différentes échelles mais sa déclinaison à une description cohérente de ces lois de comportement prenant en compte le caractère aléatoire de la microstructure reste pour l'essentiel à construire.


3 Enjeu des nouvelles techniques d'analyse

Ces vingt dernières années ont vu aboutir des progrès substantiels dans les techniques d'analyse, en gagnant dans la sensibilité, dans la diversité des informations recueillies et dans leur résolution spatiale et temporelle. Ces nouvelles performances permettent d'accéder à des mesures de champs dont l'exploitation sur un plan mécanique représente un nouveau défi.

3.1 Nouvelles imageries

Les microscopies à force atomique ( AFM) et à effet tunnel ( STM) permettent aujourd'hui dans des cas très favorables d'atteindre la résolution atomique. En deçà de ces performances ultimes, l'AFM permet de résoudre une topographie de surface avec des résolutions de quelques nanomètres dans le plan et de l'ordre de l'Angstrom perpendiculairement dans des conditions très courantes. Cet instrument, exploitant les forces de surface, permet de travailler selon différents modes (contact, non-contact, friction, angle de perte de la réponse mécanique, ...), ce qui donne accès, au-delà de la topographie, à des informations supplémentaires sur la nature des sites de surface.

La microscopie électronique en transmission ( TEM) permet, elle aussi, d'atteindre l'échelle atomique et représente un moyen d'analyse dont les performances progressent sensiblement .La préparation des échantillons observés reste cependant lourde et limite son utilisation à des caractérisations structurales de systèmes spécifiques.

A de plus grandes échelles, il est aujourd'hui possible d'utiliser des spectrométries ( Raman, Brillouin, Infra-rouge) dotées de résolutions spatiales qui selon les cas peuvent atteindre l'ordre du micromètre. Ces informations sont pour l'essentiel relatives à la surface de l'échantillon analysé, intégrant l'information sur une profondeur variable. Sensibles à des modes vibrationnels locaux, le signal renseigne sur la composition chimique ou la structure locale à l'échelle de groupements de quelques atomes.

Ces imageries ne sont plus même limitées à la surface des matériaux, mais permettent aussi une imagerie de volume. La tomographie de rayons X donne accès à des cartes tridimensionnelles de densité. En exploitant la puissance des grands instruments comme à l'ESRF, il est possible d'augmenter la résolution de cette technique pour atteindre aujourd'hui typiquement un ou quelques micromètres. Bien entendu, la taille de l'échantillon analysé dans ce cas est sensiblement inférieure au millimètre.

De manière beaucoup plus banale, l'acquisition d'images optiques digitales ou de film vidéo s'est véritablement banalisée, dans un domaine où l'accroissement de performance est aussi rapide que la chute des coûts, rendant très facilement accessible cette technologie. Il en va de même de la thermographie infra-rouge permettant l'acquisition de champs de température avec des résolutions spatiales et temporelles qui s'affinent progressivement.

3.2 Que faire avec ces informations ?

Ces développements instrumentaux de la physique nous conduisent dans l'ère de l'imagerie, et si nous concevons aisément l'impact de ces mesures dans le domaine de la science des matériaux, l'accès à ces informations fines et spatialement résolues entraîne également de nouveaux défis à la mécanique du solide. En effet, en comparant des images de la surface de solides soumis à différents stades de sollicitation, il est possible par une technique dite de corrélation d'image, d'extraire des champs de déplacement. La philosophie générale consiste à identifier différentes zones entre une image référence et une de l'état déformé en rapprochant au mieux les détails de ces zones et de repérer ce faisant le déplacement optimal. A partir de cette mesure point par point, une carte ou un champ de déplacement peuvent ainsi être appréciés. Le fait de disposer d'un champ au lieu d'une mesure ponctuelle (comme par exemple par un extensomètre ou une jauge de déformation) change notablement la manière dont un essai mécanique peut être effectué. L'information beaucoup plus riche permet de cerner l'inhomogénéité de la déformation et donc d'aborder la question de la relation entre déformation locale et nature du milieu. Il manque cependant une étape pour que cette exploitation soit intéressante : Quelle est la propriété élastique locale qui permet de rendre compte du champ de déplacement dans sa globalité ? Il s'agit là d'un problème dit « inverse » qui reçoit une attention accrue dans le domaine de la recherche depuis une vingtaine d'années. L'exploitation rationnelle de cette démarche permet de réaliser un passage homogène et direct depuis l'essai mécanique expérimental et sa modélisation numérique, exploitable pour le recalage ou l'identification de lois de comportement.

Citons quelques applications récentes ou actuelles de ces techniques d'imagerie avancées :


Fracture de matériaux vitreux imagée par AFM
En étudiant la surface d'un échantillon de verre lors de la propagation lente d'une fissure en son sein, par AFM, il est possible de mettre en évidence des dépressions superficielles que l'on peut interpréter comme la formation de cavités plastiques en amont du front de fracture. Si un comportement plastique à très petite échelle n'est pas une totale surprise, même pour des matériaux fragiles, cette mise en évidence est un exploit expérimental hors du commun qui repose sur les progrès de ces techniques d'imagerie.


Comportement plastique de la silice amorphe
La silice vitreuse et dans une moindre mesure la plupart des verres montrent lors de leurs déformations plastiques certains traits qui les distinguent des matériaux cristallins : Leur déformation plastique possède une composante de distorsion (habituelle) et une de densification (moins usuelle). Pour décrire l'indentation de ces matériaux et à terme l'endommagement superficiel qui accompagnera les actions de contact et le rayage, il est important d'identifier une loi de comportement cohérente. La difficulté est que lors d'une indentation, cette densification a lieu à des échelles qui sont typiquement d'une dizaine de micromètres. Ce n'est que très récemment qu'il a été possible d'obtenir des cartes de densification à l'échelle du micron en exploitant la micro-spectrométrie Raman. Ici encore, cette avancée expérimentale majeure n'a été rendue possible que par la grande résolution spatiale maintenant accessible.


Détection de fissures et mesure de leur ténacité
Par microscopie optique, il est possible d'observer la surface d'échantillon de céramique à des échelles microniques. Cette résolution est largement insuffisante pour y détecter des fissures dont l'ouverture est inférieure à la longueur d'onde optique utilisée. La corrélation d'image numérique aidée par notre connaissance a priori des champs de déplacements associés à la fracture (dans le domaine élastique) permet de vaincre cette limite physique et d'estimer non seulement la position de la fissure mais aussi son ouverture avec une précision de l'ordre de la dizaine de nanomètres.


Comportement de polymères micro-structurés
Les polymères en particulier semi-cristallins peuvent montrer des organisations microscopiques complexes. L'étude par AFM de la déformation locale par corrélation d'image en fonction de la nature de la phase permet de progresser dans l'identification de l'origine des comportements macroscopiques non-linéaires et leur origine microstructurale. La faisabilité de cette analyse vient à peine d'être avérée.

4 Enjeu des nouveaux matériaux

Au travers des exemples qui précèdent, nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer des problématiques liées directement aux matériaux (milieux granulaires, matériaux amorphes, milieux quasi-fragiles, ...). Le développement de nouveaux matériaux fortement appelé par les besoins industriels, et par la maîtrise croissante des techniques d'élaboration, tant chimique que physique, pose sans cesse de nouveaux défis à l'appréciation de leurs performances mécaniques. Ceci est d'autant plus vrai que ces nouveaux matériaux sont de plus en plus définis, conçus ou formulés en réponse à une (ou plusieurs) fonction(s) recherchée(s). Cette orientation de pilotage par l'aval, sans être véritablement nouvelle, prend une place croissante dans la recherche sur les matériaux, par rapport à une approche plus « classique » où la connaissance de matériaux et de leur mode de synthèse se décline en une offre de fonctions accessibles.

4.1 Matériaux composites et nano-matériaux

L'ère des matériaux composites n'est pas nouvelle, et l'on sait depuis longtemps associer différents matériaux avec des géométries spécifiques permettant de tirer le meilleur bénéfice de chacun des constituants. Pour ne citer qu'un seul exemple, pas moins de 25 % des matériaux constitutifs du dernier Airbus A380 sont des composites, et cette proportion croît sensiblement dans les projets en développement. Au-delà de la sollicitation des différentes phases associées, le rôle crucial des interfaces a été vite compris et le traitement superficiel des fibres ou inclusions du matériau composite a été mis à profit pour moduler les propriétés globales ( arrêt de fissure par pontage et déflexion du front, modulation du report de charge après rupture).

Dans ce cadre, les nano-matériaux ne changent guère cette problématique générale. Leur taille peut, le cas échéant, justifier d'une très grande surface développée, et donc exacerber le rôle des interfaces et des interphases. Par effet de confinement, ces interphases peuvent également démontrer de nouvelles propriétés originales par rapport à leur correspondant volumique. Enfin, en réduisant la taille des objets constitutifs, leurs interactions vont facilement conduire à la formation d'agrégats ou de flocs. Cette propriété peut être soit subie soit exploitée pour dessiner une architecture idéale ou atteindre une nouvelle organisation (e.g. auto-assemblage).

4.2 Matériaux fibreux/Milieux enchevêtrés

Parmi les matériaux à microstructure, les milieux fibreux contenant des fibres longues d'orientation aléatoire se distinguent des milieux hétérogènes habituellement considérés de par la complexité géométrique de l'organisation des différentes phases à l'échelle du volume élémentaire représentatif. Que la géométrie gouverne alors la réponse mécanique ne donne cependant pas une clef facile pour résoudre ces fascinants problèmes.

4.3 Couches minces : Tribologie Frottement adhésion

La surface et le volume jouent souvent des rôles très différents selon les propriétés recherchées, et c'est donc naturellement qu'une voie prometteuse pour réaliser un ensemble de propriétés consiste à recouvrir la surface d'un solide par une (voire plusieurs) couche(s) mince(s). Concentrer la nouvelle fonction dans un revêtement superficiel permet d'atteindre un fort niveau de performance pour une faible quantité de matière. Ainsi par exemple sur verre plat, sont le plus souvent déposés des empilements de couches minces permettant d'accéder à des fonctions optiques, thermiques, de conduction électrique, ... spécifiques. En parallèle, il est important dans la plupart des applications de garantir la tenue mécanique du matériau ainsi revêtu.

Le comportement de ces couches minces dans des sollicitations de contact ponctuel et de rayage est donc crucial et souligne l'importance de la tribologie et de l'adhésion, sujets couverts par des conférences récentes dans le cadre de l'Université de tous les savoirs 2005 présentées par Lydéric. Bocquet et Liliane Léger respectivement.

4.4 Couplages multiphysiques

La mécanique n'est souvent pas une classe de propriétés indépendante des autres. De nombreux couplages existent entre élasticité et thermique, électricité, magnétisme, écoulement en milieu poreux, capillarité, adsorption, réactivité chimique ... La prise en compte de ces couplages devient stratégique dans la description et surtout la conception de matériaux « intelligents » ou « multifonctionels ». Ici encore, on se trouve vite confronté à un large nombre de degrés de libertés où il est important de savoir trier les variables (maintenant couplant paramètres mécaniques et autres) et les modes qui conditionnent les plus grandes échelles de ceux qui ne concernent que le microscopique. Les stratégies d'approche du multi-échelle et du multi-physique se rejoignent ainsi naturellement.

4.5 Vieillissement

La maîtrise du vieillissement des matériaux est l'objet d'une préoccupation croissante dans l'optique particulière du développement durable. Cette problématique fait partie intégrante des couplages multi-physiques que nous venons de citer si nous acceptons d'y adjoindre une dimension chimique. La composante de base est essentiellement la réactivité chimique parfois activée par la contrainte mécanique (comme dans la corrosion sous contrainte, la propagation sous-critique de fissure, ou certains régimes de fatigue), mais aussi le transport lui aussi conditionné par la mécanique. La difficulté majeure de ce domaine est l'identification des différents modes de dégradation, leur cinétique propre, et les facteurs extérieurs susceptibles de les influencer. En effet, il convient souvent de conduire des essais accélérés, mais la correspondance avec l'échelle de temps réelle est une question délicate à valider ... faute de temps ! Ici encore la modélisation est une aide précieuse, mais elle doit reposer sur une connaissance fiable des mécanismes élémentaires.

4.6 Bio-matériaux/bio-mimétisme

La nature a du faire face à de très nombreux problèmes d'optimisation en ce qui concerne les matériaux. De plus, confronté aux imperfections naturelles du vivant, les solutions trouvées sont souvent très robustes et tolérantes aux défauts. Faute de maîtriser l'ensemble des mécanismes de synthèse et de sélection qui ont permis cette grande diversité, nous pouvons déjà simplement observer, et tenter d'imiter la structure de ces matériaux. Cette voie, assumée et affirmée, est ce que l'on nomme le bio-mimétisme et connaît une vague d'intérêt très importante. Pour ne citer qu'un exemple, la structure des coquillages nous donne de très belles illustrations d'architectures multi-échelles, dotées d'excellentes propriétés mécaniques (rigidité et ténacité), réalisées par des synthèses « douces » associant chimies minérale et organique.

4.7 Mécanique biologique

Au-delà de l'observation et de l'imitation, il est utile de comprendre que les structures biologiques n'échappent pas aux contraintes mécaniques. Mieux, elles les exploitent souvent au travers des mécanismes de croissance et de différentiation qui, couplés à la mécanique, permettent de limiter les contraintes trop fortes et de générer des anisotropies locales en réponse à ces sollicitations. Exploiter en retour ce couplage pour influer sur, ou contrôler, la croissance de tissus biologiques par une contrainte extérieure est un domaine naissant mais certainement plein d'avenir.

5 Enjeu des nouvelles demandes/ nouveaux besoins

Puisque la maîtrise de la modélisation numérique est maintenant acquise en grande partie, pour tous types de loi de comportement ou de sollicitation, l'attente a cru en conséquence dans de nombreuses directions.

5.1 Essais virtuels

Le coût des essais mécaniques de structures est considérable car souvent accompagné de la destruction du corps d'épreuve. En conséquence, la pression est forte pour exploiter le savoir-faire de la modélisation, et ainsi réduire les coûts et les délais de mise au point. Dans le secteur spatial ou aéronautique, la réduction des essais en particulier à l'échelle unité a été extrêmement substantielle, jusqu'à atteindre dans certains cas la disparition complète des essais réels. S'y substitue alors « l'essai virtuel », où le calcul numérique reproduit non seulement l'essai lui-même, mais aussi des variations afin d'optimiser la forme, les propriétés des éléments constitutifs ou leur agencement. Cette tendance lourde se généralise y compris dans des secteurs à plus faible valeur ajoutée, où l'optimisation et la réduction des délais sont le moteur de ce mouvement.

5.2 Sûreté des prédictions

Si l'importance de l'essai mécanique s'estompe, alors il devient vite indispensable de garantir la qualité du calcul qui le remplace. Qualifier l'erreur globale, mais aussi locale, distinguer celle commise sur la relation d'équilibre, sur la loi de comportement ou encore sur la satisfaction des conditions aux limites peut être un outil précieux pour mieux cerner la sûreté de la prédiction. Cette mesure d'erreur ou d'incertitude peut guider dans la manière de corriger le calcul, d'affiner le maillage ou de modifier un schéma numérique d'intégration. Dans le cas de lois de comportement non-linéaires complexes, l'élaboration d'erreurs en loi de comportement devient un exercice particulièrement délicat qui requiert encore un effort de recherche conséquent compte-tenu de l'enjeu.

5.3 Variabilité Fiabilité

La situation devient plus délicate dans le cas où la nature du matériau, ses propriétés physiques, sa géométrie précise sont susceptibles de variabilité ou simplement d'incertitude. Bien entendu des cas limites simples peuvent être traités aisément par le biais d'approches perturbatives, qui (dans le cas élastique) ne changent guère la nature du problème à traiter par rapport à une situation déterministe. Pour un fort désordre (voire même un faible désordre lorsque les lois de comportement donnent lieu à un grand contraste de propriétés élastiques incrémentales), la formulation même du problème donne naturellement lieu à des intégrations dans des espaces de phase de haute dimensionalité, où rapidement les exigences en matière de coût numérique deviennent difficiles voire impossibles à traiter. Les approches directes, par exemple via les éléments finis stochastiques atteignent ainsi vite leurs limites. L'art de la modélisation consiste alors à simplifier et approximer avec discernement. Guidé dans cette direction par les approches multiéchelles qui ont eu pour objet essentiel de traiter de problèmes initialement formulés avec trop de degrés de liberté, nous devinons qu'une stratégie de contournement peut sans doute dans certains cas être formulée, mais nous n'en sommes aujourd'hui qu'aux balbutiements. Si l'on se focalise sur les queues de distributions, caractérisant les comportements extrêmes, peu probables mais potentiellement sources de dysfonctionnements graves, alors la statistique des extrêmes identifiant des formes génériques de lois de distributions stables peut également fournir une voie d'approche prometteuse.

Dans le cas des lois de comportement non-linéaires, comme l'endommagement, on retrouve une problématique déjà évoquée dans la section 2, certes sous un angle d'approche différent mais où les effets d'échelle dans la variabilité des lois de comportement aléatoires renormalisées à des échelles différentes demeure très largement inexplorée.

5.4 Optimisation

Quelle forme de structure répond-elle le mieux à une fonction imposée dans la transmission d'efforts exercés sur sa frontière ? Telle est la question à laquelle s'est attachée la recherche sur l'optimisation de forme. Des avancées récentes très importantes ont été faites dans le réalisme des solutions obtenues en prenant en compte de multiples critères. Ceux-ci incluent la minimisation de quantité de matière (mise en jeu dans les formulations premières du problème), mais aussi plus récemment des contraintes de réalisabilité de pièce via tel ou tel mode d'élaboration.

5.5 Contrôle

Parfois les sollicitations extérieures sont fluctuantes, et peuvent donner lieu à des concentrations de contraintes indésirables, ou encore à des vibrations proches d'une fréquence de résonance. Plutôt que de subir passivement ces actions extérieures, certains systèmes peuvent disposer d'actuateurs dont l'action peut potentiellement limiter le caractère dommageable des efforts appliqués. La question de la commande à exercer sur ces actuateurs en fonction de l'information recueillie sur des capteurs judicieusement disposés est au cSur du problème du contrôle actif. Ce domaine a véritablement pris un essor considérable en mécanique des fluides ( acoustique, et contrôle pariétal de la turbulence), et entre timidement aujourd'hui dans le champ de la mécanique des solides.

6 Conclusions

Ce très bref panorama, focalisé sur des développements en cours ou prometteurs, a pour but de montrer que la mécanique du solide est extraordinairement vivace. Confrontée à des défis nouveaux, elle voit ses frontières traditionnelles s'estomper pour incorporer des informations ou des outils nouveaux de différents secteurs de la chimie et de la physique. Elle se doit d'évoluer aussi sur ses bases traditionnelles, sur le plan numérique par exemple, en développant de nouvelles interfaces avec d'autres descriptions, (mécanique quantique, incorporation du caractère stochastique, couplages multiphysiques...), et en développant des approches plus efficaces pour traiter ne fut-ce qu'approximativement, des problèmes de taille croissante. On observe également que l'interface entre l'expérimental (mécanique mais aussi physique) et la modélisation numérique se réduit avec l'exploitation quantitative des nouveaux outils d'imagerie. Cette ouverture très nouvelle redonne toute leur importance aux essais mécaniques, domaine un peu délaissé au profit de la modélisation numérique.


7 Références

Le texte qui précède est consacré à un impossible exercice de prospective, qui ne doit pas abuser le lecteur, tant il est probable que, dans quelques années, ce texte n'offrira que le témoignage de la myopie du rédacteur. Pour tempérer ceci, et permettre à chacun de se forger une opinion plus personnelle, je ne mentionne pas ici de références. En revanche, le texte contient en caractère gras un nombre conséquent de mots clés, qui peuvent chacun permettre une entrée de recherche sur Internet, donnant ainsi accès à un nombre considérable d'informations, et d'opinions sans cesse mises à jour.

[1] E-mail : stephane.roux@saint-gobain.com


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ÉNERGIE SOLAIRE

 

 

 

 

 

 

Quel futur pour l’énergie solaire ?

14.09.2016, par Léa Galanopoulo
Energie solaire, photovoltaique Test de performance et d’efficacité de modules solaires à couches minces dans une usine de fabrication de panneaux photovoltaïques, à Cologne, en Allemagne.
 T. ERNSTING/LAIF-REA

Entre espoirs, déceptions et avancées spectaculaires, la recherche autour de l’énergie solaire photovoltaïque avance à grands pas. Tour d’horizon des tendances les plus prometteuses avec Daniel Lincot et Pere Roca i Cabarrocas, directeurs de recherche au CNRS et spécialistes du photovoltaïque.
L’effet photovoltaïque, découvert au XIXe siècle, repose en partie sur les propriétés des matériaux semi-conducteurs présents dans les panneaux solaires. Comment travaillez-vous à leur amélioration ?
Daniel Lincot1 : La recherche sur l’énergie solaire photovoltaïque est un travail d’équipe. L’objectif est de fabriquer des cellules solaires plus efficaces, qui convertissent mieux la lumière du soleil en électricité, et à moindre coût. Pour augmenter le rendement des cellules photovoltaïques, il faut améliorer les propriétés semi-conductrices de chacun des matériaux présents dans la cellule, comme le silicium, mais aussi leurs combinaisons. Une cellule photovoltaïque est un peu comme une équipe de foot ! Elle doit former un tout : il y a l’individuel et le collectif. Les matériaux doivent être meilleurs à titres personnels, mais aussi capables de se faire passer des électrons entre eux.

Pere Roca i Cabarrocas2 : Lorsqu’on cherche à améliorer le rendement ou le coût, le moindre petit détail compte. La recherche sur le solaire photovoltaïque est vraiment une branche ouverte et dynamique, qui intègre la physique, l’électronique, la chimie, la science des matériaux et l’optique. Pour améliorer les cellules solaires, il nous faut cette pluridisciplinarité.
 
D. L. : Et la recherche avance vite. Quand les premières cellules au silicium ont été mises au point dans les années 1950, leur rendement est passé, en quelques années, de presque 0 % à plus de 10 %. Aujourd’hui, théoriquement, on estime qu’il pourrait un jour atteindre les 85 % ! Cela prouve que, en termes de photovoltaïque, on en a encore sous le pied…
 
Chaque jour, le soleil fourni à la Terre 3 kilowattheures par mètre carré en moyenne. Cette énergie semble inépuisable. Alors quels sont les verrous qui limitent encore son développement à large échelle ?
P. R. C. : Contrairement à ce que l’on pense, l’énergie solaire est déjà viable et compétitive. En France, EDF pousse ses consommateurs à devenir eux-mêmes producteurs d’électricité solaire. Et, dans beaucoup d’autres pays, le solaire est compétitif par rapport aux autres énergies.

D. L. : Les verrous sont pratiquement tous levés à l’échelle mondiale. Rien qu’avec Solar Impulse, on a montré que l’on pouvait alterner jour et nuit, et résoudre certains problèmes de stockage d’énergie. Tous ces verrous se lèvent simplement par la démonstration. Le seul obstacle est qu’il faudrait aller encore plus loin… En France, nous sommes encore confrontés à des verrous économiques, politiques et culturels.

Contrairement
à ce que l’on pense,
l’énergie solaire
est déjà viable
et compétitive.
P. R. C. : Solar Impulse a permis d’illustrer le fait qu’il y a des solutions et que, avec une gestion intelligente de l’énergie, on peut y arriver. Il y a des exemples encore plus convaincants, mais moins médiatiques, qui prouvent le potentiel du photovoltaïque. Avec le solaire, on peut imaginer créer de la richesse dans les pays du Sud, qui vendraient leur énergie solaire. C’est une utopie qui devient réalisable.

Le silicium, utilisé dès les années 1960 pour alimenter les satellites spatiaux, est encore aujourd’hui le matériau phare des panneaux solaires. Pourquoi n’est-il toujours pas parfait ?
D. L. : La filière silicium représente 90 % du marché de l’énergie solaire. Son principe est simple. Il consiste à découper des lingots de silicium en plaquettes pour former ensuite des cellules photovoltaïques capables de transformer l’énergie du soleil en électricité. Le problème est que le silicium a besoin de beaucoup d’épaisseur pour absorber totalement la lumière du soleil.
 
P. R. C. : Le rendement record du silicium est de 26,33 % en laboratoire, il faut faire plus ! On sait que l’on peut aller au delà de 60 % de rendement avec des concepts avancés comme les multijonctions . En tout cas, aucun principe de la physique ne nous l’empêche. Mieux on piège les photons, meilleur le rendement est.

Plaquette de silicium, énergie solaire, photovoltaique Plaquette de silicium qui, après différentes opérations, sera transformée en cellule photovoltaïque.

Pour améliorer le rendement des panneaux solaires, faut-il donc envisager des matériaux plus fins ?
D. L. : Ce n’est pas vraiment une question de rendement mais plutôt de procédés et de coût. C’est tout l’enjeu de la filière dite des couches minces, qui représente environ 10 % de part de marché. Elle est composée de trois types de matériaux semi-conducteurs : le tellurure de cadmium, le Cigs3 et le silicium en couches minces. Cela consiste à recouvrir un support d’une fine couche d’un de ces matériaux. Les cellules photovoltaïques deviennent ainsi 100 fois plus fines, et donc potentiellement moins chères.

P. R. C. : La filière des couches minces silicium est vraiment très encourageante. Les modules, sur les panneaux solaires, atteignent déjà entre 12 et 15 % de rendement.
 
D. L. : D’ailleurs, on trouve des couches minces partout dans la vie de tous les jours. Par exemple, l’intérieur des paquets de chips est recouvert d’une couche mince d’aluminium, qui protège les aliments en empêchant l’oxygène de rentrer.
 
Au-delà de la question du rendement, votre objectif n’est-il pas également de prendre en compte le coût pour rendre l’énergie solaire accessible à tous ?
P. R. C. : L’objectif de la recherche sur le solaire est de faire mieux et moins cher !
 
D. L. : Notre but est de fabriquer de l’électricité renouvelable à bas prix. Tout le monde ne peut pas se permettre la technologie de Solar Impulse ! Mais le prix d’aujourd’hui ne sera pas forcement celui de demain. Les premiers écrans plats aussi coûtaient extrêmement cher au début. Aujourd’hui, tout le monde en a. Il y a quelques années, les modules photovoltaïques étaient de cinq à dix fois plus chers.

En termes de
solaire, on essaie
toujours
de savoir quel
matériau va
gagner la course,
mais cela dépend
beaucoup
des conditions
d’utilisation.
Certaines filières émergentes vous paraissent-elles plus prometteuses que d’autres ?
D. L. : À côté du silicium et des couches minces, il existe d’autres filières, moins développées, plus émergentes, comme le photovoltaïque à concentration. Les cellules à multijonctions utilisées sont couplées à des miroirs ou à des lentilles qui agissent comme des loupes qui peuvent alors concentrer l’énergie sur les cellules, en suivant le soleil. Le rendement record des cellules à concentration atteint 46 %. Mais leur coût de fabrication reste encore très élevé…

P. R. C. : Le photovoltaïque à concentration produit plus de watts, avec beaucoup moins de surface de cellule, mais il ne peut utiliser que le rayonnement solaire « direct », et ne fonctionne donc qu’en l'absence de nuages. En termes de solaire, on essaie toujours de savoir quel matériau va gagner la course, mais cela dépend beaucoup des conditions d’utilisation. Selon qu’il fait froid, chaud ou encore humide, chaque filière aura son efficacité. Finalement, je pense que l’idéal serait de combiner les atouts de chaque matériau.

Actuellement, le monde scientifique s’enthousiasme sur les pérovskites, un matériau utilisé en photovoltaïque depuis 2012 et aux rendements presque incroyables. Est-ce, selon vous, un réel tournant pour l’énergie solaire ?
P. R. C. : En effet, aujourd’hui la mode est aux pérovskites, un type de cellules solaires hybrides constituées d’un mélange de matériaux organiques et inorganiques. Néanmoins, il reste encore de nombreux points à éclaircir sur ce sujet, en particulier en termes de stabilité des cellules, à haute température par exemple. Pour l’instant, les pérovskites n’ont pas encore fait leurs preuves au niveau industriel.
 
D. L. : C’est une révolution dans le domaine. Même si les questions de stabilité et de reproductibilité se posent encore, les pérovskites ouvrent une nouvelle fenêtre pour le photovoltaïque. Actuellement, on imagine coupler ces pérovskites avec des cellules déjà existantes à base de silicium ou de Cigs. Ce sont les tandems (des empilements de deux cellules élémentaires) qui pourraient atteindre théoriquement les 40 % de rendement. C’est la raison pour laquelle l’un des projets phares de l’Institut photovoltaïque d’Île-de-France (IPVF (link is external)), dans lequel nous sommes tous les deux engagés, impliquerait la réalisation de cellules tandem.

Pérovskite, énergie solaire, photovoltaique Visualisation de joints de grains au sein d’une pérovskite hybride par microscopie optique polarisée.
 LOS ALAMOS NATIONAL LABORATORY
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Certaines pistes de recherche ont-elles été abandonnées au fil du temps ?
D. L. : De fait oui, il y a des filières presque éteintes. Il y a quelques années, on a cru, par exemple, au sulfure de cuivre, car il est abondant dans la nature, non toxique et absorbe la lumière de manière remarquable. Dans les années 1980, c’était le Graal. Sauf que les cellules n’étaient pas assez stables et se dégradaient en quelques jours.

P. R. C. : D’autres domaines sont un peu en souffrance, comme celui des cellules photovoltaïques organiques. Il y a eu un boom dans les années 2000, qui est rapidement retombé. En réalité, les chercheurs qui travaillaient dans cette branche l’ont abandonnée au profit des pérovskites. C’est vrai que certaines cellules organiques ont encore des problèmes de stabilité, de rendement et de coût. Mais ce n’est pas une filière à écarter, car elle intéresse des marchés bien spécifiques.

Le recyclage et la durée de vie des cellules photovoltaïques font-ils également partie du cahier des charges de la recherche sur le solaire ?
D. L. : C’est très important. Nous analysons le cycle de vie des cellules, de la mine jusqu’au recyclage. On table sur des durées de vie de vingt à trente ans, voire plus. Donc on pourrait même envisager de léguer des panneaux solaires en héritage !
 
P. R. C. : Le marché du recyclage se développe très bien. Le « temps de retour énergétique » d’une cellule est de seulement un ou deux ans. C’est-à-dire que, en ce laps de temps, vous aurez produit la même quantité d’énergie que celle que vous aurez dépensée pour fabriquer la cellule. Vous aurez « remboursé » l’énergie. Les vingt ou trente ans de durée de vie après, c’est du bonus !
 
Vous êtes tous les deux engagés dans l’IPVF, qui regroupera plus de 200 chercheurs autour de l’énergie solaire. Quelles sont ses ambitions pour l’avenir ?
P. R. C. : La recherche sur le solaire photovoltaïque en France est parmi les meilleures du monde, mais nous n’avons que peu de visibilité. L’IPVF nous apporte un coup de projecteur. Et il permet également de rassembler les différentes filières : couches minces, silicium, pérovskites…
 
D. L. : La création de l’IPVF permet de préparer le futur pour notre pays. Nous pensons que la  décennie clé est 2020-2030. Ce seront les années du solaire, le basculement. On estime que, à cette période, la capacité de production d’électricité solaire dépassera le térawatt ! L’objectif phare « 30/30/30 » de l’IPVF serait d’arriver à 30 % de rendement à 30 centimes de dollars le watt en 2030. Pour cela, cette structure offre des possibilités remarquables de synergies public-privé, en associant à la fois des partenaires académiques comme le CNRS ou l’École polytechnique, des grands industriels, comme EDF, Total et Air Liquide, mais aussi des plus petits comme Horiba Jobin Yvon ou Riber. Le CNRS est au cœur de cette construction, c’est une grande fierté pour nous et aussi une grande responsabilité.

 

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QUELLES SOURCES D'ÉNERGIE D'ICI À 2050 ?

 

Ce texte est similaire aux principaux points développés lors de la 594e conférence de l'Université de tous les savoirs donnée le 16 juillet 2005 par Sylvain David

Les sources d'énergie du 21e siècle[1]

par Sébastien Balibar, Sylvain. David, Ionel Solomon

Introduction & Contexte

Réchauffement global de la Terre, ou déchets nucléaires ? A l'aube du XXème siècle, tel semble être le dilemme auquel notre société se heurte. On parle d'énergies alternatives. Certains sont pour le nucléaire, d'autres sont contre, qu'en est-il vraiment ? Dans ce débat qui est complexe, face à des problèmes scientifiques et techniques difficiles, il est du devoir des physiciens de se mobiliser, pour informer le public et pour contribuer à la recherche de solutions.

figure 1

Les unités pour mesurer l'énergie

Sur les 14 000 Gigawatts thermiques que l'humanité consomme, environ 32 % proviennent du pétrole, 26 % du charbon et 19 % du gaz, soit 77 % de combustibles fossiles non-renouvelables, le reste se répartissant entre 5 % d'origine nucléaire, 6 % d'hydroélectrique, 10 % de la « biomasse traditionnelle » (essentiellement le bois) et 1 à 2 % d'autres énergies dites « renouvelables » telles que le solaire et les éoliennes. Cette énergie consommée est équivalente à 10 milliards de tonne de pétrole par an (10 Gtep/an), soit environ 1.5 tonne équivalent pétrole par habitant et par an. La consommation d'énergie varie grandement d'un région à l'autre ; alors qu'un américain du nord consomme près de 10 tep/an, un européen en consomme environ 4.5, un chinois 1.5 et un africain moins de 0.5 ( Cf. figure 2).

figure 2

Les projections pour le futur sont délicates, mais il apparaît aujourd'hui inévitable que cette consommation augmente significativement dans les décennies à venir. Les scénarios les plus sobres et très volontaristes prévoient une consommation de 15 milliards de tep par an (Gtep/an) pour 2050. Les scénarios qui prennent en compte une augmentation significative du niveau de vie des pays pauvres et un accès à l'énergie relativement facile atteignent 30 Gtep/an en 2050 ( Cf. figure 3). Ces derniers scénarios semblent aujourd'hui irréalistes, tant du point de vue des réserves de combustibles fossiles que de l'environnement et du climat. Un scénario envisageant un doublement de la consommation énergétique semble réaliste et souhaitable pour les pays en voie développement, et comme nous allons le voir, cette augmentation attendue doit être assurée par de nouvelles sources d'énergie.

figure 3

Les combustibles fossiles

En 2000, la consommation mondiale de combustible fossile atteignait 8 Gtep, répartie entre le pétrole (3.7), le gaz (2.1) et le charbon (2.0) ( Cf. figure 4).

figure 4

Il existe de grandes incertitudes concernant les réserves et les prix d'extraction, mais il est aujourd'hui admis que ce siècle verra la fin du pétrole et du gaz. Les géologues les plus pessimistes annoncent même que la production mondiale de pétrole commencera à décroître dès 2008 ( Cf. figure 5). Le gaz devrait durer un peu plus longtemps, quant au charbon, il en existe de grandes quantités réparties de façon plus homogène sur la planète ( Cf. figure 6).

figure 5

De grandes incertitudes sur les réserves de pétrole

(Référence : PR Bauquis - Total Prof. Associés)

figure 6

D'un point de vue environnemental, il ne fait plus aucun doute que brûler tant de combustibles fossiles a conduit à une augmentation très sensible du contenu en gaz à effets de serre de l'atmosphère, en particulier de CO2. Le contenu en CO2 de l'atmosphère vient de dépasser 365 ppmv (parties par million en volume) alors que, depuis 400 000 ans, il oscillait entre 180 ppmv lors des périodes glaciaires et un maximum de 280 ppmv dans les périodes chaudes. En conséquence, un réchauffement sensible de la planète a déjà eu lieu, environ 0.6 °C à ce jour. Cela peut paraître peu mais il semble inévitable que ce réchauffement s'accélère et atteigne au moins 3 degrés à l'horizon 2100 (dans l'hypothèse où l'on réduirait considérablement les émissions de CO2), peut-être 6°C si l'on ne réussit pas à réduire suffisamment ces émissions à très court terme. Ce réchauffement menace de transformer le climat global (fonte des glaces, augmentation des échanges d'eau entre l'équateur et les pôles, modification des courants marins, élévation du niveau des mers...), un phénomène que notre planète n'a jamais connu.

Stabiliser le climat nécessite de diviser par 2 l'émission de gaz à effet de serre, et compte tenu d'un doublement vraisemblable de la consommation d'énergie d'ici 2050, cela implique de diviser par 4 la proportion des combustibles fossiles dans le bouquet énergétique ( Cf. figure 7). Voilà l'ampleur du défi qui s'impose à nous.

figure 7

Les principales sources d'énergie, leurs potentiels et leurs contraintes, vont être maintenant passés en revue.

Le nucléaire de fission

Face à ces graves menaces, le nucléaire est une énergie abondante dès aujourd'hui, qui ne produit pas de gaz à effet de serre ( Cf. figure 8), mais qui nécessite néanmoins le recours à une technologie innovante pour être durable sur le long terme. Le nucléaire est-il donc la solution au problème énergétique de la planète ?

figure 8

L'énergie nucléaire ne représente aujourd'hui que 6 % de la production d'énergie primaire au niveau mondial. Il est probable que l'énergie de fission se développe au niveau mondial dans les 50 années à venir, même si la situation n'est pas claire aujourd'hui. En Europe, pendant que la France produit 80 % de son électricité avec ses réacteurs nucléaires ou que la Finlande commande un nouveau réacteur, l'Allemagne, la Belgique ou l'Italie se montrent très sceptiques vis à vis de cette énergie. Au niveau mondial, les Etats-Unis ont sensiblement augmenté leur production d'électricité nucléaire avec les réacteurs existants, et préparent un redémarrage de leur programme nucléaire dans les années à venir, et la Chine et l'Inde sont sur le point de commander des dizaines de réacteurs.

Un développement du nucléaire au niveau mondial amène à se poser de nouvelles questions en terme de gestion des ressources, de sûreté des installations et de gestion des déchets.

La vision du public vis à vis de cette énergie évolue avec le temps. Hier, la sûreté était au centre du débat, aujourd'hui les déchets focalisent l'attention de la société, alors que les risques de prolifération prennent de plus en plus de place dans le débat.

Les réacteurs actuels ont une puissance de l'ordre du GW électrique, et un rendement de 33 %. Ils utilisent le seul noyau fissile naturel, l'235U, présent à 0.7 % dans le minerai d'uranium naturel. Tout en restant prudent sur les estimations des réserves en uranium, cette filière permet de continuer pendant 200 à 300 ans au rythme actuel. Si le nucléaire est amené à jouer un rôle majeur dans les décennies à venir, les filières actuelles ne pourraient pas assurer un déploiement rapide et massif ( Cf. figure 9). Il faudrait alors passer à des réacteurs régénérateurs, utilisant beaucoup mieux le potentiel énergétique du minerai. Ces systèmes innovants font aujourd'hui l'objet de nombreuses recherches internationales, et pourraient être déployés avant le milieu du siècle. Ils permettraient d'utiliser la quasi totalité du minerai d'uranium, mais également d'utiliser les réserves de thorium. Ils pourraient ainsi produire massivement de l'énergie pendant plusieurs dizaines de milliers d'années ( Cf. encadré 1 en fin de texte). Ils présentent également l'avantage de recycler tous les noyaux lourds, et de limiter ainsi considérablement la radioactivité à long terme des déchets ultimes à stocker. Le cycle thorium, plus innovant, serait ici encore plus avantageux en ayant une masse réduite de combustible et de déchets de longue durée de vie.

figure 9

Concernant les déchets, le problème principal est celui des déchets issus du combustible usé qui sont très actifs pendant très longtemps. Le combustible usé contient trois types de noyaux : les produits de fission, qui sont les cendres des noyaux fissionnés, le plutonium, produit à partir de capture de neutrons sur l'238U, et les actinides mineurs (237Np, 241Am, 244Cm, ...). La radioactivité du combustible usé est dominée par le plutonium, qui est un noyau fissile, d'où toute l'ambiguïté : si le nucléaire doit s'arrêter, le plutonium est un déchet et doit être géré comme tel (stocké ou incinéré), mais si le nucléaire doit se développer, le plutonium est une matière fissile précieuse, indispensable au démarrage de réacteurs de 4ème génération. Cette ambiguïté concernant la qualité du plutonium (déchet ou combustible) est sans doute à l'origine des attitudes attentistes concernant la gestion des combustibles irradiés ( Cf. encadré 1), et il est probable que la décennie à venir clarifiera la situation, par l'engagement ou non des pays asiatiques dans un nucléaire massif.

L'avenir du nucléaire, source d'énergie propre du point de vue du climat, repose sur des technologies nouvelles, dont il faudra assurer la sûreté, en particulier dans l'hypothèse d'une mise à disposition auprès des pays émergeants. Toutes ces avancées nécessitent une intensification des recherches en cours.

La géothermie

L'énergie géothermique provient des désintégrations de l'uranium et du thorium contenus dans la terre. La puissance totale émise par la terre est de 22 TW. L'équilibre thermique étant atteint, toute cette puissance s'évacue par la surface, soit un flux de 0.06 W/m2 environ. Cette puissance correspond seulement au double de la consommation actuelle. Cependant, il existe une quantité d'énergie stockée dans les roches sous forme de chaleur, mais difficilement utilisable, étant donné sa faible concentration. De plus, cette énergie n'est pas renouvelable ; dans la plupart des installations actuelles, le gisement s'épuise en une trentaine d'années environ. Il est assez rare de disposer de vapeur à haute température susceptible de produire directement de l'électricité. Dans la plupart des cas, les roches chaudes à faible profondeur sont difficilement accessibles ; la roche doit être fracturée, afin que de l'eau puisse circuler et extraire la chaleur. Pour ces raisons, il est difficile d'envisager une production massive au niveau mondial à partir de la géothermie. Il existe cependant des cas particulier, comme l'Islande, où l'énergie géothermique est disponible en grande quantité. La géothermie représente aujourd'hui 0.3 % de la production électrique mondiale et a peu près autant pour le chauffage.

L'hydraulique

L'électricité d'origine hydraulique ne produit pas d'effet de serre, et permet de plus de gérer les pointes de façon très efficace. En France, la quasi-totalité du potentiel hydraulique est déjà utilisé, la puissance moyenne est de 8GW, soit 12 % de la production électrique. Au niveau mondial, le potentiel est de l'ordre de 1400 GW moyens, soit près de 90 % de la production électrique actuelle. Cependant, la mise en Suvre est délicate et il est difficile d'imaginer un déploiement massif dans les décennies à venir. En effet, dans la plupart des cas, les gisements se situent dans des régions dépeuplées, notamment en Afrique, où le développement d'un réseau gigantesque serait nécessaire. La Chine est en train de construire un immense barrage (2km x 640km) de puissance maximale 18 GW (environ 9GW moyens), et prévoit d'installer 4 autres barrages d'ici 2020 d'une puissance maximale cumulée de 38 GW. Aujourd'hui ces 5 barrages représenteraient 18 % de la production électrique de la Chine ( Cf. figure 10).

figure 10

L'éolien

L'énergie du vent est très diluée, et nécessite environ 8 ha pour 1 MW installé, fonctionnant environ 20 % du temps. Une éolienne géante (80 m de diamètre) peut atteindre une puissance crête de 2 MW. En France, le potentiel est estimé à 66 TWh/an sur terre soit 7.5 GW moyens, et 97 TWh/an en offshore soit 11 GW moyens, Cela représenterait 30 % de la production électrique. Pour produire 5 % seulement de l'énergie française, c'est-à-dire générer une puissance continue de 10 GW, il faudrait donc installer au moins 50 000 éoliennes. A raison d'une éolienne d'1 GW tous les 200 m cela signifierait un rideau continu d'éoliennes sur 10 000 km de long et il paraît douteux que la population française soit prête à accepter cela ( Cf. figure 11).

figure 11

Le cas de la France est particulier du point de vue des éoliennes, puisque économiser du combustible nucléaire n'a que peu d'impact sur l'économie énergétique ou les émissions de gaz à effet de serre (de plus il serait difficile de moduler la production nucléaire pour suivre les variations du vent). Ce n'est pas le cas en Allemagne ou au Danemark, où les éoliennes contribuent à limiter la consommation de gaz et de charbon, et donc l'émission de gaz à effet de serre.

Il est donc difficile de croire que les éoliennes puissent représenter l'avenir énergétique à moyen terme de la France, mais on aurait tort de négliger la recherche en ce domaine et l'apport complémentaire de l'énergie éolienne pour des usages particuliers, ou pour des pays ne poursuivant pas le choix du nucléaire. Le couplage au vecteur hydrogène devrait également rendre cette énergie intermittente plus attractive dans le futur.

Le solaire

L'énergie solaire est une énergie réellement inépuisable et abondante. En 12 heures, par exemple, l'énergie solaire arrivant sur terre est supérieure au total des énergies fossiles connues et prévisibles. Pour fixer un autre ordre de grandeur, l'énergie solaire qui arrive sur le sol est 10000 fois supérieure à ce que le monde consomme aujourd'hui.

Il serait vraiment dommage de ne pas utiliser un tel pactole ! Pourtant l'énergie solaire représente aujourd'hui 0 04% de la consommation d'énergie primaire.

L'utilisation la plus directe est le chauffage des habitations et de l'eau. On estime aujourd'hui à 50 % le gain possible sur le chauffage domestique (eau et habitation) en utilisant des panneaux solaires thermiques. Couplé à une bonne isolation c'est une économie de 10 à 20 % de combustibles fossiles qui serait possible.

Chauffer un fluide à haute température (plusieurs centaines de degrés) avec l'énergie solaire permet également de produire de l'électricité. Plusieurs technologies existent aujourd'hui, comme les centrales à tour ou la filière cylindro-parabolique. Ces systèmes peuvent être couplés à des réservoirs de chaleur pour assurer une production continue d'électricité entre le jour et la nuit.

Il existe également des dispositifs convertissant directement la lumière en électricité. Ce dispositif « photovoltaïque » possède des propriétés vraiment remarquables: il n'a pas de pièces mobiles, pas de liquide (il ne coule pas !), il ne s'use pas et sa longévité se compte en dizaines d'années. Le rendement de cette conversion photoélectrique est relativement grand: de l'ordre de 15 à 20 % en laboratoire, et 10 à 15 % en production.

En France, on reçoit en moyenne annuelle entre 100 et 200 W/m2 du soleil au niveau du sol, ce qui correspond, en tenant compte du rendement photovoltaïque à une production annuelle d'environ 100 kWh/m2, et en couvrant la moitié des toits, on couvrirait en même temps notre consommation électrique (sans tenir compte du caractère intermittent, et donc du stockage qui serait nécessaire).

Le principal obstacle à l'utilisation à court terme des dispositifs photovoltaïques n'est pas de nature technique ou scientifique, mais d'origine économique. La haute technicité de ces dispositifs conduit à un prix de revient élevé, aboutissant pour le moment à un prix du kWh de 5 à 10 fois plus élevé que celui produit par les sources d'énergie conventionnelles.

Les meilleurs capteurs réalisés à ce jour avec du silicium monocristallin sont chers, difficiles à fabriquer et n'ont qu'un rendement de 12 %. Les capteurs au silicium polycristallin sont moins chers et ont un rendement de 10 %.

L'avenir réside-t-il dans des films semiconducteurs incorporables dans les matériaux de construction ? Ils sont d'ores et déjà bon marché et leur coût baisserait évidemment encore s'ils étaient produits massivement. Mais leur rendement n'est encore que d'environ 5 %. Un autre paramètre à prendre en compte est le coût énergétique de construction du panneau qui diffère selon les technologies. Actuellement, on estime à près de 7 ans le temps que met un panneau au silicium à rendre l'énergie consommée pour sa production et on espère le ramener à 2 ou 3 ans dans les décennies à venir.

Potentiel de la biomasse

Quelques mots de la biomasse, c'est-à-dire le bois et différents alcools agricoles. Ce n'est une énergie renouvelable que si l'on replante autant que l'on consomme; dans ce cas, le CO2 dégagé est ensuite refixé. De plus, le bois est évidemment facile à stocker. Malheureusement, on doit remarquer que ce procédé utilise l'énergie solaire nécessaire à la photosynthèse. Or, ce rendement est inférieur à 0,5 %; même les cultures sucrières ne fournissent que 0,6 W/m2. Il faudrait consacrer à la culture de biocarburants une surface environ 20 à 100 fois plus grande que la surface actuellement consacrée à l'alimentation pour subvenir aux besoins énergétiques de la planète. La biomasse ne sera jamais qu'un complément énergétique. De plus le coût énergétique des bio-carburants est non négligeable. Le meilleur rendement énergétique est celui de l'ester de colza et vaut 2 environ ; cela signifie qu'il faut consommer environ 1 litre de pétrole pour produire 2 litres de bio-carburant ( Cf. figure 12). De plus, le développement d'une telle filière ne serait pas sans risque de dégagements importants de méthane, un gaz à effet de serre bien plus redoutable que le CO2, ou d'utilisation massive d'engrais, un risque potentiel pour la qualité de l'eau, autre problème planétaire d'actualité. Aujourd'hui le chauffage traditionnel au bois (très utilisé dans les zones rurales des pays émergeants) représente tout de même 1Gtep/an (soit 10 % de la production mondiale d'énergie primaire) de la consommation mondiale d'énergie, mais il semble difficile d'envisager une augmentation significative de la production d'énergie par la biomasse dans le futur.

figure 12

biocarburants (référence : J.M. Jancovici, www.manicore.com)

La fusion

On parle beaucoup actuellement de fusion thermonucléaire. Il s'agirait ici de faire fusionner des atomes d'hydrogène, plus précisément le deutérium (1 proton, 1 neutron) et le tritium (1 proton, 2 neutrons). Les produits de réaction sont un noyau d'Hélium-4 et un neutron, ce dernier emportant 80 % de l'énergie libérée.

Les réserves en deutérium sont infinies à l'échelle humaine. Le tritium a une durée de vie de 12 ans, et n'existe pas à l'état naturel ; il doit être produit à partir de lithium par la réaction 6Li+n ->T+a. Les réserves de lithium sont très grandes (sous forme de minerai ou dans l'eau des océans) ce qui permettrait de produire de l'énergie pendant des millénaires, c'est-à-dire autant qu'avec des réacteurs à fission régénérateurs.

La réaction de fusion se déroule à l'intérieur d'un plasma chauffé à plusieurs millions de degrés, le neutron émis joue un double rôle : il emmène l'énergie en dehors du plasma ou elle est récupérée sous forme de chaleur, et il doit également régénérer le tritium en cassant un noyau de lithium.

Cette technologie ne semble pas réaliste à moyen terme tant les problèmes posés sont difficiles. Le premier de ces problèmes est celui de la tenue des matériaux aux neutrons extrêmement énergétiques. L'énergie de ces neutrons, 14 MeV, est dix fois plus grande que celle des neutrons les plus rapides qui sont émis dans les réacteurs à fission. Sans mise au point de matériaux très spéciaux qui seraient susceptibles de résister à de telles particules, la fusion nucléaire n'a pas d'avenir. La gestion du tritium, de sa production à la réinjection en cSur est très délicate et en même temps incontournable pour assurer une production durable à partir de la fusion. La maîtrise d'un plasma chauffé à plusieurs millions de degrés reste à démontrer sur des temps longs. En revanche, cette source d'énergie ne produirait pas de déchets radioactifs à long terme, et limiterait considérablement les risques d'accidents majeurs et les rejets massifs de radioactivités.

Le réacteur expérimental ITER devrait être construit prochainement et fonctionner pendant une trentaine d'années. Il permettra de tester le confinement d'un plasma chaud, et ne répondra que partiellement à toutes les questions posées. L'avenir de la fusion n'est donc pas pour demain.

Le vecteur hydrogène

On l'a vu, certaines sources d'énergie renouvelable souffrent d'une production intermittente, qui rend difficile leur utilisation à court terme. Le stockage d'énergie est donc un aspect indissociable des questions des sources du futur. L'hydrogène est souvent présenté comme la meilleure façon de stocker de l'énergie (chaleur ou électricité). Il ne faudra pas oublier que les rendements se cumulent à chaque étape de production/transport/utilisation, et il est probable que le rendement global n'excède pas 20 %, même s'il est très difficile de donner un chiffre aujourd'hui.

La production d'hydrogène peut être envisagée à partir d'électricité (hydrolyse de l'eau) ou par cycle thermochimique à haute température. La première solution est disponible aujourd'hui, mais souffre d'un rendement faible et d'un prix élevé. La seconde demande encore beaucoup d'efforts de R&D (recherche et développement), mais semble prometteuse, notamment avec le cycle Iode-Souffre qui demande une source de chaleur à 850°C environ. Pour que l'hydrogène ne produise pas indirectement du CO2, cette source de chaleur doit être nucléaire ou solaire. Il existe aujourd'hui un concept de réacteur nucléaire à l'étude (VHTR) couplant un cSur en graphite à très haute température (près de 1000°C), couplée à une unité chimique produisant de l'hydrogène. Le même type de production est envisageable avec des centrales solaires à tour.

Une fois produit, l'hydrogène doit être stocké et utilisé. On parle beaucoup de l'utiliser dans le domaine des transports, et sur ce point, diverses opinions s'affrontent aujourd'hui. Certains voient une utilisation massive directe de l'hydrogène, notamment dans les piles à combustibles, qui permettent d'espérer un rendement bien meilleur qu'un moteur thermique. D'autres au contraire pensent qu'il sera impossible de remplacer les combustibles liquides pour le transport, tant les nouvelles infrastructures à mettre en place seraient coûteuses. Dans ce cas, on adjoindrait du carbone à l'hydrogène (charbon ou biomasse...) pour produire un carburant de synthèse utilisable dans la technologie standard des moteurs actuels.

La maîtrise de la demande

La source principale d'énergie à utiliser est négative: ce sont toutes les économies que l'on pourrait faire. En ce domaine, qu'il s'agisse d'éclairage, d'isolation thermique, de consommations automobiles ou autres, les progrès potentiels sont considérables. Un français moyen consomme 5kW et un américain du nord 11 kW, alors que la moyenne mondiale est de l'ordre de 1 kW seulement. D'une part les riches peuvent arrêter de gaspiller, d'autre part les pauvres ont un droit légitime de consommer plus. Le problème n'est pas seulement technique, c'est bien clair.

Dans un scénario de « laisser-faire », la consommation en 2050 pourrait atteindre 30 GteP, soit 3 fois la consommation actuelle, alors que les scénarios les plus sobres incluant un développement significatif des pays pauvres atteignent une consommation de 15 GteP en 2050. La maîtrise de la demande permettrait donc de gagner un facteur 2. Confronté au défi climatique, on peut conclure que cette maîtrise de l'énergie est indispensable, mais malheureusement non suffisante, et que le développement massif de sources n'émettant pas de CO2, nucléaires et renouvelables, est urgent.

Le problème des énergies, de leur consommation comme de leur production, de leur stockage et de leur transport est majeur ; ses solutions ne sont que partiellement connues et nécessitent une recherche scientifique et technique considérable, à soutenir dès aujourd'hui pour anticiper la fin des combustibles fossiles.

Au-delà des aspects technologiques, une politique mondiale de l'énergie, basée sur une approche pacifique et non sur un système de domination, est incontournable. Un droit d'accès à l'énergie est souhaitable pour les pays les plus pauvres, et cela doit passer par une mise à disposition de nouvelles technologies, respectueuses de l'environnement, mais très chères ; voilà sans doute le véritable défi du siècle à venir en matière d'énergie.

Pur en savoir plus :

http://sfp.in2p3.fr/Debat/debat_energie

http://manicore.com

http://www.iea.org/

http://peakoil.net

Encadré 1

Le nucléaire

Le nucléaire durable

Si le nucléaire est amené à se développer significativement, les filières actuelles épuiseront les réserves d'uranium avant la fin du siècle. En effet, elles utilisent essentiellement l'uranium-235, présent à 0.7 % seulement dans le minerai d'uranium. Ainsi, pour faire fissionner une tonne de matière, il est nécessaire d'extraire 200 tonnes d'uranium naturel, soit un taux d'utilisation du minerai très faible. Les réserves estimées d'uranium (environ 16 millions de tonnes) ne permettent pas d'envisager un déploiement durable d'une énergie nucléaire significative au niveau mondial basé sur les filières à uranium enrichi. L'essentiel du minerai d'uranium (U-238) ne fissionne pas mais, quand il capture un neutron, il produit un noyau susceptible de fissionner, dit « fissile », qui produira donc de l'énergie : U-238 + n ® Pu-239. On obtient également un noyau fissile en utilisant le deuxième actinide naturel, le Thorium-232 : Th-232 + n ® U-233. On parle alors de régénération ; dans ce cas, tout le minerai (dit alors « fertile ») est utilisé, et le problème des réserves est réglé pour des millénaires. Le thorium n'est pas utilisé aujourd'hui, mais pourrait s'avérer tout à fait intéressant dans le cadre d'un recours à des cycles régénérateurs ( Cf. figure 13).

figure 13

Il faut enfin noter que dans le cas d'un système régénérateur, tous les actinides peuvent être recyclés (matière fissile et noyaux plus lourds), ce qui diminue considérablement la radiotoxicité des déchets destinés au stockage géologique. Ces déchets ultimes contiendront des traces des noyaux lourds (pertes au retraitement), les performances de séparation sont donc primordiales pour minimiser la radiotoxicité à long terme des déchets destinés au stockage géologique, et de nouvelles méthodes sont explorées, et notamment la pyrochimie. Le cycle thorium a l'avantage supplémentaire de produire peu de noyaux lourds radioactifs.

La régénération n'est pas simple à obtenir, car elle nécessite de pouvoir disposer de suffisamment de neutrons. Les neutrons produits par les fissions (entre 2.5 et 3) doivent à la fois induire une nouvelle fission, mais également régénérer la matière fissile consommée. Les propriétés physiques des noyaux fissiles font que le cycle Uranium/Plutonium a besoin de neutrons de haute énergie cinétique pour pouvoir atteindre la régénération. L'extraction de chaleur doit alors se faire par des noyaux lourds (l'eau est proscrite), ce qui a conduit au concept de Superphénix, refroidi au sodium, qui permet de ralentir les neutrons suffisamment peu pour obtenir un système régénérateur. Le sodium pose des problèmes de manipulation, qui ont fait de Superphénix (en plus d'une victime politique) une machine d'une technologie complexe et difficilement commercialisable. Il faut également noter que le programme nucléaire mondial s'étant essoufflé, le recours à la régénération ne se justifiait plus, du moins économiquement. Les alternatives au sodium sont le Plomb, qui pose aujourd'hui des problèmes complexes de corrosion de matériaux, et le gaz (hélium) nécessitant quant à lui l'élaboration d'un combustible très innovant compatible avec les hautes températures spécifiques aux systèmes refroidis à l'hélium. Autre problème de taille, un réacteur à neutrons rapides (de 1GW électrique) nécessite de disposer d'au moins 12 tonnes de plutonium pour démarrer. Cet inventaire en matière fissile correspond à la masse totale de plutonium produite par un réacteur actuel pendant 50 ans de fonctionnement. Il apparaît clairement qu'il est impossible d'assurer un déploiement rapide du nucléaire basé seulement sur une filière rapide, et qu'il faudrait construire de nombreux réacteurs à uranium enrichi avant d'opérer la transition vers une filière durable basée sur le cycle uranium/plutonium à neutrons rapides.

Dans ce contexte, le cycle Thorium/Uranium-233 présente de nombreux avantages, à condition de mettre au point une nouvelle technologie. Il s'agit dans ce cas d'utiliser des neutrons de faible énergie, mais de retraiter efficacement le combustible, qui accumule des produits de fission. Compte tenu des faibles énergies de neutrons de ces réacteurs, ces produits de fission sont des poisons neutroniques efficaces, qui captureraient beaucoup de neutrons et rendraient impossible une régénération durable s'ils étaient laissés dans le combustible. Leur extraction rapide est rendue possible par l'utilisation d'un combustible liquide (sel fondu), servant lui-même de caloporteur, et qui peut être en partie dévié avant son retour en cSur, pour être retraité en ligne. Ce concept qui a fait l'objet d'études approfondies aux Etats-Unis dans les années 60 nécessite environ 2 tonnes de matière fissile (contre 12 pour un réacteur à neutrons rapides) pour démarrer, ce qui amène une souplesse de déploiement incontestable. Ces différents concepts sont étudiés dans le cadre du forum international Génération 4, lancés en 2001 à l'initiative des Etats-Unis, afin de mettre en commun au niveau mondial des efforts de recherche sur l'énergie de fission durable ( Cf. figure 14).

figure14

Les déchets : que faire en attendant ?

L'uranium enrichi après combustion contient encore 95 % d'uranium (essentiellement 238), environ 3 % de produits de fission (noyaux de masse 115 environ issus de la fission des actinides), et des noyaux plus lourds, plutonium en tête, lequel domine la radiotoxicité à long terme.

Comme on l'a vu, le plutonium est une matière fissile précieuse indispensable pour amorcer le déploiement de réacteurs régénérateurs durables. Il est par contre le déchet le plus important dans le cas d'un arrêt à court terme du nucléaire.

C'est pour cette raison qu'il est assez difficile aujourd'hui d'avoir une vision arrêtée de la gestion des déchets, inversement, il ne peut être envisageable de renvoyer toute décision au siècle prochain ; la souplesse et la capacité d'adaptation doivent donc être des caractéristiques recherchées dans les options retenues. En observant les diverses politiques de gestion de l'aval du cycle, on s'aperçoit qu'il existe déjà des différences notables entre divers pays. Certains pays (USA, Suède, ...) considèrent leur combustible irradié comme déchet à stocker (scénario de cycle ouvert). D'autres pays (France, Japon, ...) retraitent leur combustible pour en extraire l'uranium et le plutonium, ce dernier étant recyclé dans des combustibles de type MOX, pour un passage supplémentaire en réacteur. Ce scénario de mono-recyclage permet de réduire considérablement la charge thermique et radiotoxique des déchets destinés au stockage, puisque le plutonium en est absent. Il permet également de réduire les volumes de combustibles irradiés (contenant du plutonium) à entreposer, puisque seuls les MOX usés ne sont pas retraités. Cette stratégie constitue donc une solution d'attente assez optimisée, mais la gestion des MOX irradiés ne trouvera une réponse définitive que lorsqu'on sera certain de l'avenir du nucléaire.

Il est possible d'améliorer cette stratégie en séparant les actinides plus lourds (Am et Cm). Dans ce scénario optimisé, la radiotoxicité à long terme des déchets vitrifiés est réduite de près d'un facteur 1000. Une fois séparés, les actinides mineurs peuvent être incinérés dans des réacteurs dédiés, ou entreposés dans l'attente des réacteurs à neutrons rapides du futur, éventuellement capable de les incorporer à leur propre cycle. Encore une fois il ne s'agira que d'une solution d'attente.

Encadré 2

Le solaire photovoltaïque

Quel déploiement pour le solaire photovoltaïque ?

Il faut distinguer deux types d'utilisation de nature et d'horizons temporels très différents.

I - Zones rurales et isolées: les pays en développement (PED).

Parmi les problèmes auxquels doivent faire face les zones isolées, non reliées à un réseau électrique, et en particulier les PED, celui de l'énergie et de la production locale d'électricité pour satisfaire les besoins élémentaires des populations est certainement un des plus importants. Une quantité, même très faible, d'électricité (quelques watts pendant quelques heures par jour) est nécessaire pour atteindre un minimum de confort ou de sécurité médicale. Pour ces régions, le photovoltaïque est de loin la solution générale la mieux adaptée. En l'absence de connexion à un réseau électrique, la question du prix du kWh ne se pose pas, toutes les autres sources étant plus chères. Pour l'éclairage, par exemple, même la lampe à pétrole revient plus cher, sur le long terme, qu'un kit photovoltaïque ! La production individuelle, ou par mini-centrale à l'échelle d'un village, permet:

- de satisfaire les besoins de première nécessité (éclairage, pompage d'eau potable);

- de briser l'isolement des populations rurales (télévision, enseignement);

- la petite irrigation des cultures;

- de satisfaire certains problèmes de santé, comme le stockage au froid des vaccins ou l'alimentation de petites antennes médicales.

Bien sûr, l'alimentation en électricité des PED ne représente pas, même à l'échelle de la planète, une quantité d'énergie considérable, encore que l'on estime à 2 milliards, au moins, le nombre d'habitants qui ne sont pas (et ne seront sans doute jamais) reliés à un réseau de distribution électrique. Mais, le bénéfice humanitaire et politique est tellement conséquent, que c'est l'intérêt bien compris des pays industrialisés de participer, par leur capitaux mais aussi par leur potentiel de recherche, à ces opérations.

II - Production centralisée d'électricité: les centrales solaires

La production d'énergie solaire au niveau des mégawatts (MW) est d'une toute autre nature et fait l'objet de polémiques parfois passionnées. D'abord quelques remarques de mise au point pour corriger certaines opinions erronées et parfois absurdes.

a) Surface au sol. Le « sentiment » que la surface occupée par des centrales solaires serait rédhibitoire ne résiste pas à une analyse quantitative. L'énergie lumineuse reçue en plein soleil est proche de 1kW/m2. Mais cette énergie nous arrive d'une manière intermittente: il n'y en a pas la nuit, et même pendant le jour elle peut être fortement diminuée par la brume ou les nuages. Sur le territoire français, on observe effectivement que la puissance moyenne, sur une année, n'est que 100 à 200 W/m2 de puissance lumineuse suivant l'endroit. Le rendement de conversion électricité/lumière d'un capteur photovoltaïque industriel étant de 10 à 15 %, on arrive à une puissance moyenne électrique sur l'année de 10 à 30 W/m2. Pour une centrale de 1000 MW, cela représente une surface, dans le pire des cas de (10x10km2), à (6x6km2) dans un cas plus favorable. Ces surfaces sont acceptables pour un site industriel, et extrapolables à une centaine de sites totalisant toute la production française d'électricité.

b) Stockage inter saisonnier. Le stockage long terme n'est pas un problème spécifique du photovoltaïque. Il est vrai que l'énergie solaire nous arrive d'une manière intermittente et qu'un stockage inter saisonnier est nécessaire pour parler de moyenne annuelle. Mais s'il était réalisé, il permettrait de corriger dès maintenant la différence de rythme entre la production (continue) et l'utilisation (en pointes) de l'électricité. L'économie réalisée par ce stockage est estimée à 13 % de la production française, soit beaucoup plus que la production photovoltaïque avant de nombreuses années. Une des manières de réaliser ce stockage inter saisonnier serait, par exemple, de produire de l'hydrogène et de l'oxygène par électrolyse, et de stocker les gaz ainsi obtenus dans des anticlinaux vidés de leur pétrole ou de leur gaz naturel, par exemple sur le site de Lacq en Aquitaine.

Quand peut-on espérer une pénétration non négligeable (disons 25 %) du photovoltaïque dans la production française d'électricité ? Les avis divergent fortement, sans que personne de responsable n'avance de date inférieure à 2020-2030. La condition nécessaire pour une telle pénétration est que le kWh photovoltaïque descende au dessous du prix des autres sources d'énergie. Le problème est difficile et les prédictions aléatoires. Les paramètres techniques et scientifiques ne sont pas seuls en cause, encore que des grands progrès, ou même une percée, dans la physique des matériaux photovoltaïques pourraient changer la donne: il faut poursuivre et sans doute augmenter l'effort de recherche dans ce domaine.

Mais la réponse dépend fortement des conditions économiques et politiques. Les plus optimistes (les Allemands en particulier, surtout pour des raisons d'écologie) pensent que, à condition qu'un effort et qu'une volonté politique suffisants soient déployés, l'électricité solaire pourrait aboutir avant 2050. D'autres sont très sceptiques sur cette prédiction et pensent que l'électricité photovoltaïque ne pourra déboucher que lorsque les autres sources d'énergie auront disparu ou seront devenues très chères, soit pas avant la fin du siècle.

La France, fière (à juste titre) de son parc nucléaire, a fortement réduit ces dernières années son activité technique et scientifique dans le domaine des cellules solaires. C'est bien dommage, car notre pays, qui pourtant a été pionnier dans l'invention et la recherche du photovoltaïque, risque ainsi d'être absent dans les énergies du futur.

[1] Ce texte est paru initialement dans/Images de la physique de 2005/ (édition, année de la physique)

 

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